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MOUT DE M. AIMÉ MARTIN. 97
dans l'homme : ses affection? el ses douleurs! Taisons-nons donc
si nous regardons du côlé de ce sépulcre!
« Mais si nous regardons du côlé terrestre, disons aux survi-
vants quel fut l'homme que nous ensevelissons ici dans l'estime
universelle de ses contemporains, dans la mémoire bienveillante
de son siècle et dans les inconsolables regrets de ses amis.
" Toute la vie d'Aimé Martin se raconte en un mot : il fut homme
de lettres dans l'antique et grande signification de ce mot; c'est-à •
dire qu'après avoir jeté un regard sur toutes les occupations, sur-
toutes les ambitions, sur toutes les gloires qui s'offrent à l'homme
de talent et à son entrée dans le monde, il n'en trouva qu'une digne
de lui : cultiver sa pensée, perfectionner son intelligence, grandir,
ennoblir, élever, diviniser son âme et la porter à son créateur plus
pure, plus sainte qu'il ne l'avait reçue de ses mains. Découvrir
Dieu dans ses œuvres, le faire comprendre, adorer, bénir dans sa
création, ce fut sa tâche à lui. Sa vie entière ne fut que travail. Ce
travail ne fut qu'un acte de foi dans la providence ici-bas, dans
l'immortalité ailleurs. Si la tombe devait tromper les espérances
de l'homme de bien, aucun mourant n'eût été plus déçu que lui par-
le néant.
«Mais celui qui ne trompe pasl'instinct d'un moucheron, ne trom-
pera pas le pressentiment du juste. Il est entré, n'en doutons pas,
en possession de ses espérances et en jouissance de sa foi.
« Quelle était sa philosophie! vous la savez tous, vous avez
recueilli comme moi dans ses livres ou dans ses entretiens les
confidences de son âme.
« Sa philosophie? c'était la sagesse traditionnelle du genre
humain dépouillée des erreurs de chaque siècle et de chaque
secte, datant de la raison humaine, el venant se déposer dans
l'Évangile comme dans un réservoir commun de toutes les morales
pour couler de là en ruisseaux divers, en se grossissant etens'épu-
ranl toujours dans les idées, dans les mœurs, dans les institutions
d'un monde indéfiniment perfectible. Il avait trouvé dans sa vie
même l'occasion et pour ainsi dire la filiation de ses idées. Il avait
épousé la veuve de Bernardin de Saint Pierre, hélas! deux fois
veuve aujourd'hui de deux nobles amis, digne elle-même de celte
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