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MOBT DE M. BALLANCHE. 557 Deux discours ont élé prononcés sur la tombe, d'abord par M. Tocqueville, directeur de l'Académie française, puis par M. Victor do Laprade. Voici le discours de M. de Tocquevilie : « Je pourrais vous entretenir du rare mérite littéraire que possédait l'hom- me excellent dont nous entourons la dépouille mortelle. Parlant ici au nom de l'Académie française, je le devrais peut-être. Vous l'avouerai-je, Messieurs, au bord de cette tombe encore entr'ouverte, à la vue de cette ligure austère et solennelle de la mort, dans ce lieu si plein des pensées de l'autre vie, je n'ai pas le courage de le faire. Le talent de l'écrivain, quelque grand qu'il soit, s'efface un moment pour ne laisser voir que le caractère et la vie de l'homme. » Ailleurs, Messieurs, nous dirons quelle fut la supériorité de M. Bal- lanche dans l'art d'écrire; comment, plus qu'aucun autre auteur de notre temps, il sut faire passer dans la langue française le génie grand et simple de la haute antiquilé ; ailleurs, nous peindrons les grâces chastes et graves de son style, l'étendue et souvent la profondeur de ses pensées. Aujourd'hui, ce ne sont pas ses œuvres littéraires que nous aimons à rappeler, c'est lui- même. i Qui de nous, Messieurs, ne se sent ému et comme attendri au souvenir > de ce doux et respectable vieillard auquel le bien semblait si facile, et qui rendait le bien si aimable. Sa pure et rêveuse vertu qui, au besoin, fût aisé- ment montée jusqu'à l'héroïsme, ressemblait, dans les actes de tous les jours, à la candide innocence du premier âge. Non seulement M. Eallanche n'a ja- mais fait le mal, mais il est douteux qu'il ait jamais pu le bien comprendre : tant le mal était étranger à cette nature élevée et délicate. Pour lui, la conscience n'était point un maître, mais un ami dont les avis lui agréaient toujours, et avec lequel il se trouvait naturellement d'accord. » A vrai dire, la vie toute entière de M. Ballanche n'a été qu'une longue et paisible aspiration de l'ame vers le bonheur des hommes et vers tout ce qui peut contribuer à ce bonheur : la liberté, la confraternité, le respect des croyances et des mœurs, l'oubli des injures ; qu'un constant effort pour apaiser les haines de ses contemporains, concilier leurs intérêts, renouer le passé à l'avenir, et rétablir entre l'un et l'autre une harmonie salutaire. » En même temps que M. Ballanche portait à l'humanité toute entière un amour sincère et profond, il prenait grand soin de ne livrer son cœur qu'à uu petit nombre d'affections choisies. Il obtint de celle manière, chose raie, la bienveillance de tous et l'aménité ardente de quelques-uns. La première