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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 455 Si M. Servan de Sugny eût écrit des livres d'histoire, de philo- sophie, de morale, nous ne verrions là rien que de très convenable; mais une Gerbe littéraire est-elle bien à sa place dans les œuvres d'un procureur-du-roi? Est-ce bien à l'homme qui représente la loi vivante, dans tout ce qu'elle a de sévère, de terrible même, qu'il convient de s'égayer par de petits vers, et de composer des drames destinés au théâtre? La gravité d'une si haute fonction n'en souffrira- t-elle pas? et serat-il assez sûr du respect de ses justiciables, l'homme qui s'offre de lui-même à leurs critiques par les points si vulnérables de la vanité littéraire? Il faut prendre son parti dans ce monde. Tel qui peut être un littérateur de second ordre assez esti- mable, ne sera jamais, par cela même, qu'un magistrat suspect. Un autre Servan (I), le grand-oncle, si nous ne nous trompons, de M. Servan de Sugny, un homme dont on peut être fier de porter le nom, l'entendait bien autrement; c'est par un beau Discours sur la justice criminelle qu'il se délassait des fatigues de l'audience. Mais cela nous avertit que M. Servan de Sugny a, lui aussi, écrit sur la justice criminelle, et nous arrivons naturellement à parler du second ouvrage que nous avons à faire connaître, la Confession d'un malheureux; Vie de J.-C. Romand, forçat libéré. Voici quelle est l'origine de cet ouvrage. Le nommé Romand, condamné à deux ans d'emprisonnement par la cour d'assises de Riom, pour participation aux émeutes de novembre 1831, et, plus lard, à cinq ans de travaux forcés, par la cour d'assises de Lyon, pour vol avec effraction, habite maintenant le village de Montréal, près Nantua, où il exerce la profession de tailleur. Cet homme s'est mis en relation avec M. Servan de Sugny. Accueilli avec bien- veillance, il lui parla de sa vie passée avec le ton du repentir, et manifesta un vif désir de rentrer en grâce auprès de la société, en la servant, Pendant son séjour au bagne, Romand s'est fait des idées sur les inconvénients du système pénitentiaire actuel; sur la né- cessité d'une réforme ; sur les avantages du système cellulaire, etc. M. Servan de Sugny accepta l'offro de publier ces idées, et ils en firent à deux une brochure qui parut au mois d'août 1844. (r) Avocat-général à Grenoble, mort en 1807.