Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
444              LETTRE A M. DE LAMARTINE
vers leurs fautes, leurs excès, leurs souffrances et leur héroïsme?
mais surtout, maître, ces formules lumineuses que vous faites planer
sur les chaos des événements, et que la raison accueille avec en-
thousiasme, parce qu'elles sont grosses de vérités et d'espérances,
qui donc vous les a révélées ?
   Après les Méditations et les Harmonies, surtout après Jocelyn,
le fils de votre prédilection, nous avons applaudi aux fortes idées,
aux sentiments tendres et généreux de votre âme ; nous avons ad-
miré l'instinct profond de la pensée de la nature, illuminée par la
grande pensée religieuse. Mais la vie du vrai poète n'est pas seule-
ment le son d'une lyre, propre à charmer l'oreille délicate et les
loisirs des hommes. Son chant est une création : et, de nos jours, il
ne saurait y avoir de création durable, si elle ne se rattache étroi-
tement à la vie entière des sociétés.
    Le pays vous élut. Vous êtes allé vous asseoir parmi les législa-
 teurs. Pénétré de tout le prix de l'union des peuples, vous prê-
tâtes un concours sérieux à ceux qui avaient pour tâche d'accom-
 plir les promesses de deux révolutions . Bientôt il y eût des mé-
comptes amers; la loi elle-même se fit trop la complaisante des pri-
vilèges et des abus ; l'indignation s'accumula dans votre cœur ; un
jour elle en déborda en flols d'éloquence et en austères leçons. Ce
jour-là commença, non pour votre raison, mais pour vos actes, une
 ère nouvelle. La liberté vous avait choisi : vous partîtes bravement
 en éclaireur, au milieu des imprécations de vos ennemis récents,
 sans regarder derrière vous si vous étiez seul. La foule, avec son
 instinct merveilleux des grandes choses et des grands hommes, ne
 tarda pas à vous reconnaître pour un messager de la bonne nou-
 velle. — Quelques semaines suffirent pour vous créer d'innombra-
 bles légions.
   De ce moment aussi, sans doute, vous avez sougé à formuler la
foi sociale. Auprès d'un siècle où tout est action, mouvement de la
vie, les préceptes dogmatiques, rigoureusement enchaînés et dé •
duils, n'ont guère de crédit. Il fallait donner à l'humanité une cons-
cience nette et profonde d'elle-même ;et, vous l'avez admirablement
proclamé : « l'histoire, c'est la conscience du genre humain. « Or,
pour les peuples, comme pour les individus, il est des heures solen-