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VOYAGE- A VIENNE. 389 charmantes et sans doute des émotions bien pures; mais, au lieu d'étudier les différentes familles des plantes qui se ré- chauffent et prospèrent sous les dômes vitrés des serres, des princes placés près du trône feraient mieux d'étudier les différentes familles des peuples qui languissent dans la zone autrichienne, couchées dans ce lit de Procuste, et, pour quelques-unes, de douleur, avec des tendances, des mœurs, des langues, des organisations diverses, ce qui peut faire une agglomération incohérenle, inconsistante, plus ou moins du- rable cependant, mais non point une nation forte, homo- gène, en pleine communauté d'idées, de sentiments, de langage et d'intérêts. L'Autriche a pour armes l'aigle à deux têtes : ce n'est point encore assez de têtes pour exprimer la diversité de ses états : il lui faudrait inventer quelque monstre fabuleux pour mieux représenter les variétés d'es- pèces qui peuplent son vaste territoire. Malgré l'omnipo- tence des congrès, on ne peut faire naître la sympathie là où la nature a mis l'antipathie ; les plus savantes combinaisons des gouvernants ont peine à tempérer, et ne peuvent jamais effacer les dissidences nationales énergiquement prononcées. Il est difficile de faire longtemps avec bonheur un métier d'équilibriste de la science gouvernementale, et de garder un aplomb de grand écart, en conduisant en laisse des coursiers de races différentes, un pied sur le fringant Hongrois, un pied, tour à tour, sur le froid Autrichien et sur le fou- gueux Lombard (1). (i) Ce défaut de cohésion, dans les divers états ou royaumes qui compo_ sent la mosaïque de l'empire autrichien, frappe et attriste tous les esprits sé- rieux qui prennent quelque intérêt à cette puissance artificielle. Cet édifice politique, élevé récemment, est déjà lézardé par vice de nature et de cons- truction. La remarque a été faite plusieurs fois et ne peut échapper aux Autrichiens observateurs. J'ai sous les yeux une brochure, qui date de i843, qui a pour titre: