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390 VOYAGE A VIENNE. De là , de ces vérités pressenties, aperçues, de sombres pré- dictions pour le ministre souverain qui règle les destinées autrichiennes et pèse d'un grand poids dans la balance des affaires d'Allemagne. De là des lettres ( jRewue des deux mondes, février 1846 et suite) qui s'annoncent comme le récit d'une victoire en train, lettres qu'on adresse à M. de Metternich, parce qu'on a entendu dire de toutes parts que c'était de lui qu'on triomphait, et parce qu'il sied d'honorer des vaincus dont la ruine tient tant de place ! De l'Autriche et de son avenir. La publication en fut défendue, et, par con- séquent, elle fut répandue et lue avec avidité dans toute l'Allemagne où elle a fait sensation, car on a senti qu'elle renfermait beaucoup de vérités. Divers journaux l'ont attribuée au comte de Buequoy, écrivain dislingué, chambellan de l'empereur, possesseur d'immenses propriétés en Bohême, et descendant du général de ce nom, qui eut bonne part à la guerre de trente ans. Je lis dans cet écrit d'un chambellan de l'empereur : u L'Autriche est une dénomination purement fictive, qui ne désigne ni un pays, ni une nation, ni un peuple en particulier ; c'est un nom de con- vention donné à une réunion de peuples dont les nationalités sont carac- térisées par des différences fortement tranchées. Il y a des Italiens, des Al- lemands, des Slaves, des Hongrois qui, ensemble, constituent un empire au- trichien ; mais il n'existe point d'Autriche, point d'Autrichiens, point de nationalité autrichienne ; jamais rien de cela n'a existé, si ce n'est pour l'é- troit rayon qui entoure Vienne. » Ceci exprime une vérité vraie, comme on dit ; et explique bien la con- duite de l'Autriche, à l'égard de la Lombardie, par exemple, que, de son point de vue elle tient pour suspecte, et non sans raison. La Lombardie, à vrai dire, fut la plus riche conquête de l'Autriche, à la chute de l'em- pire français ; mais c'est, depuis lors, son plus grand embarras. C'est là ce qui arrive avec les peuples que les combinaisons politiques donnent, et qui ne se donnent point. Les congrès de potentats peuvent faire des cartes d'em- pires ; mais ils ne peuvent leur donner la force de cohésion qui les fait vivre et durer. Les congrès peuvent découper, dessiner et coordonner : ils ne fondent pas. Celui-là seul qui fait les concordances et les sympathies natio- nales fait les royaumes vrais, naturels et durables.