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38i                    VOYAGE A VIENNE.

rès. Vous avez beau vous faire, sans bruil, un petit bonheur
commun, composé du Prater, de Strauss et de jambon fumé ;
faites-y môme entrer les agréables demeures, les plaisirs duluxe,
les élégances de la mode, Victorine et toutes ses séductions ;
joignez-y les jardins charmants, l'opéra, tous les faciles plaisirs,
les brillants équipages, les bords ombreux du Danube, les pit-
toresques montagnes qui bornent votre horizon ; ajoutez-y
encore le spectacle aimé de quelques uns de vos régiments
d'élite qui ont la musique excellente, la démarche grave, le
parallélisme irréprochable des jambes, le sentiment, non l'é-
lan militaire : tout cela ne fera qu'une vie étroite, mesquine
et clôturée. Vous n'éclairez et ne mettez en action qu"un côté
de l'existence : vous laissez l'autre dans l'engourdissement
prescrit par votre régime et les ténèbres calculées par votre pré-
voyance étroite. A Paris, en se levant, on se fait sa journée ù
sa guise :à Vienne on la trouve toute faite, calquée sur la veil-
le, et portant programme du lendemain. On n'a ni le pouvoir
ni même l'envie d'y rien changer en ce pays. Il y a quelquefois
cependant cette notable variante : la valse était hier à Volks-
garten : elle sera ce soir à Schcenbrunn ! Suivez la vie locale;
suivez le fil de l'existence autrichienne: valsez, ne pensez pas,
et la paix sera avec vous ! ne mettez pas la main a votre pré-
sent; ne préparez pas votre avenir; votre marche est tracée,
votre destinée est faite et scellée, ne varielur ; vous avez
une alvéole dans cette ruche : ne demandez rien de plus.
L'Autrichien n'est pas fait pour penser; il est fait pour vivre
sa vie, pour agir son action dans la voie tracée, dans les li-
mites posées, filant son nœud, descendant , à bas bruit, la
pente douce de l'existence qu'on lui s faite, accomplissant
son voyage terrestre, sans regarder qui le mène, comment
on le mène, où, et de quel droit.
   Ces questions embarrassantes, l'Autrichien de Vienne, et
de véritable race, ne songe guéres à les faire ; il accepte celle