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                      VOYAGE A V1KNNK.                        383

pourtant sans témoins : le danseur acquis et repu fonctionne
avec une sérieuse exactitude vis-à-vis de sa danseuse qui
l'exploite et le fait passer par toutes les épreuves de la valse
ardente. Balance faite du dîner et du bal, il se trouve que
c'est elle qui est redevable.
     Guy-Patin a écrit : « Vienne est une ville de plaisir, s'il
y en a au monde: et comme je prétends qu'à moins d'être
Français, il faudrait souhaiter d'être Allemand, de même je
dis qu'à moins de passer sa vie à Paris, il la faudrait passer
 à Vienne. »
     Je ne sais ce que j'en aurais pensé au temps de Guy-Patin ;
 mais aujourd'hui, tout en rendant justice aux mœurs douces,
 à la vie facile, au bien-être matériel el aux agréments de
Vienne, cela me paraît très contestable. Au milieu des plai-
 sirs de cette belle et charmante capitale, il manque quel-
 que chose à dire, quelque chose à faire, ce qui déploie les
 hautes facultés, la puissance morale de l'homme, ce qui met
 enfin en plein exercice les forces intellectuelles toutes vives.
 L'homme n'est pas essentiellement né valseur. Celui qui lui
 a ordonné de porter haut la tête a eu sans doute un autre
 but. L'esprit humain a besoin d'aliment et d'essor, et ces deux
 choses qui ne se trouvent que dans les régions élevées, lui
 sont tellement mesurées et circonscrites en Autriche, qu'il re-
  tombe sans cesse sur lui-même. Les étrangers que des mœurs
  différentes el une autre organisation sociale ont accoutumés
  à plus d'ampleur de vie, à l'exercice continuel de la pensée,
  ne sauraient accepter tant de vide et de misère d'esprit.
  Il ne suffit point de se laisser vivre; il faudrait aussi se sen-
  tir vivre autrement que par les appétits vulgaires, se trou-
  ver en rapport ouvert d'idées, de sentiments, de loul ce qui
   fait la noble valeur et la vraie puissance. Il faudrait trouver
   où dépenser la pensée. Il faut enfin pouvoir entendre la
   marche de l'humanité et y mêler ses pas lointains et mesu-