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382 VOYAGE A VIENNE.
par là que le tentateur peut induire à mal cette bonne créa-
ture. Encore faut-il reconnaître que si les dîners et les bals
champêtres peuvent avoir des suites peu avouables, ils n'ont
jamais de fâcheux éclat. L'ivresse, les querelles, les rivali-
tés sanglantes, les perturbations nocturnes du repos public,
tout ce qui fournit ailleurs l'abondante et hideuse pâture
de la police correctionnelle et des assises, est très rare Ã
Vienne. Leurs plaisirs ne sont point turbulents; ils ne font
un peu de bruit que par la cuivraille musicale et culi-
naire : si vous ôtiez, des restaurants et des guinguettes, les
éclats des clairons et des trombonnes, et la crépitation des
casseroles et des poêles à frire, vous trouveriez que toute
cette jubilation est peu bruyante. Il y a, jusque dans les
écarts de ces bonnes gens, un fond d'honnêteté qui se retrouve
toujours.
Pour les bals, ils ont un usage qui donne une idée de leur
esprit méthodique et régulier : il faut que toute danseuse ait
son danseur acquis pour toute la soirée. C'est quelquefois
un embarras et une difficulté pour les femmes chez qui le goût
de la danse est un peu trop persistant, celles précisément qui
ont le plus besoin du partner attentif a ses devoirs. Souvent
alors il arrive que la danseuse émérite, que la grisette sur-
mûrie font, avec une intelligence merveilleuse et une admi-
rable justesse d'appréciation, la précieuse découverte de quel-
que gars naïf, en disponibilité, de quelque beau cocher, de
virilité vieillissante, mais robuste encore, — il faut qu'il soit
robuste, — accessibles tous les deux aux séductions d'un
dîner. Alors, sans s'en cacher, sans honte, elles en font la
conquête par ce moyen avoué, tant la danse a de charmes,
tant le partner a de prix ! E n France, peut-être que le jeune
gars et le vieux cocher ne rempliraient bien que la pre-
mière partie du programme de la fête ; mais en Autriche,
la plus stricte probité préside à l'exécution du marché fait