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VOYAGE A VIENNE. 377 D'ailleurs, qu'on veuille bien y réfléchir : le long règne de ce souverain , en partie du moins , fut un règne terne et malheureux ; il n'attira à l'Autriche que des sacrifices et des revers. Ce ne fut point par les conquêtes, par les prestiges de la gloire ou par l'appât de l'intérêt que le prince attira à lui et s'attacha fortement son peuple ; ce fut par les défaites et les adversités: ils avaient été mal- heureux ensemble; ils avaient souffert ensemble, et c'est pour cela qu'ils s'aimaient. Ce bon prince et ce bon peu- ple se connaissaient bien et s'appréciaient réciproquement: voilà tout. Si je voulais chercher dans notre vieille histoire de France un souverain qui, différence faite des temps, des positions et des tendances nationales, eut quelque ressemblance avec cet empereur contemporain , je sais bien à qui je m'adresse- rais pour le traduire par similitude, pour ainsi parler. Je ne m'arrêterais point à Henry IV, à cause de sa valeur che- valeresque et un peu fanfaronne, de sa galanterie active, et. du trait gascon que garde ce piquant profil historique ; mais j'irais tout droit, avec confiance et respect, à la calme et no- ble figure de Louis XII. Il y avait vraiment dans le monar- que contemporain quelque chose de ce vieux père du peuple, et du justicier aussi. Il était de cette bonne race dont le peu- ple garde la mémoire, et les Autrichiens le font bien voir ! Il y a douze ans environ qu'il repose dans les caveaux funè- bres, et, chaque année, quand arrive le jour des morts, ou, pour me servir d'une expression plus touchante, lejour des pauvres âmes, les habitants de Vienne ont encore un mot d'affection et de regret à aller dire à leur vieux mort. Lors- qu'un prince étranger visite celle capitale, s'il veut faire quel- que chose qui louche la population, il va lout d'abord visiter la tombe vénérée. C'est pour ce fait que l'empereur de Rus- sie, en sortant de la chapelle sépulcrale, a vu son incognito