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374 VOYAGE A VIENNE. de l'émotion qui a toujours une sorte de pouvoir amplifiant, et voit-on bien juste quand on a les yeux pleins de larmes ? J'avoue, sans détour, que dans mon voyage en Autriche, je n'ai point exploré le Spielberg, au fond de la Moravie. Je le tiens, sur sa réputation, pour une farouche prison d'état. Je ne veux point lui ôter son nom de carcere duro. C'est en effet une prison qui a la prétention d'être sévère, qui ne s'en cache point, et qui ne reçoit d'ordinaire que les prisonniers bien acquis, lesquels ont subi une condamnation à mort. Toutefois, après avoir interrogé, à Vienne, quelques hom- mes sages, quelques esprits modérés et éclairés, il m'est resté cette pensée que, par une générosité de cœur qui nous honore, nous avons été, en France, un peu trop crédules au malheur. Des personnes dignes de foi, et qui savent leur Spielberg, m'ont assuré que, malgré ses rigueurs réelles, la pitié y pénètre comme le jour, a travers les barreaux et les grilles. Il y a, chaque jour, des heures où il est permis aux détenus de prendre l'air extérieur et de faire un peu d'exercice. La nourriture y est saine et très suffisante. En cas de maladie, les prisonniers y reçoivent des soins particuliers. Enfin, je dois avouer que, d'après tout ce que j'ai pu recueillir, le Spielberg se trouve un peu déchu, dans ma pensée, de sa terrible renommée. Un fait significatif est encore venu, il y a quelques années, soulever le voile de sombre horreur qui l'enveloppait: à l'avènement de l'empereur régnant, vingt condamnés, pour divers délits, à des temps inégaux de réclusion, furent admis à opter entre la prison ou l'exil en Amérique, pour les années de détention qui leur restaient à subir, avec faculté de réaliser leur fortune et d'emmener avec eux leurs familles, le Spielberg eut la préférence; trois seulement, sur ce nom- bre, acceptèrent l'exil. II semble que ce fait exact, rapporté déjà ailleurs, doit servir ix atténuer les reproches de barbarie