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VOYAGE A VIENNE. 373 Voilà donc, en définitive, la peine de mort changée, par la clémenee impériale, en dix ans de réclusion; mais pourquoi donc ces dix ans d'affreuse torture, Sire? n'était-ce pas une peine trop cruelle à infliger à celte âme élevée et à quelques autres esprits généreux qui n'avaient voulu, après tout, que l'indépendance de leur patrie? Vous qui aviez toutes les vertus privées, qui vous sentiez si bien entouré et soutenu par l'affection de vos plus près sujets, ne pouviez-vous puiser plus de clémence dans votre bonne nature? Ne pouviez-vous trouver une prison moins dure dans votre empire si pater- nellement administré que cette dureté y a fait tache éter- nelle? Que n'avez-vous tiré de votre cœur une amnistie plus prompte et plus complète, une de ces généreuses et habiles amnisties qui honorent et quelquefois assurent tout un règne? Il y a une justice clémente de l'âme qui voit de plus haut et plus loin que la justice rigoureuse de l'esprit. La pitié va droit au cœur, car elle en vient, et celui qui tient la foudre et lance le pardon, fait œuvre miséricodieuse et doublement profitable. Mais maintenant voyons s'il n'y a pas lieu a reviser nos propres jugements. Pouvons-nous, en pleine et bonne justice, nous tenir pour bien complètement renseignés sur toutes les cruautés imputées au Spielberg? Je connais de bons et graves esprits qui conservent des doutes à ce sujet. Faut-il prendre au pied de la lettre, et comme vérité désintéressée, ce que disent des prisonniers sur leur prison? Si les condamnés ont un certain temps pour maudire les juges, les détenus n'ont-ils pas tout le temps de la détention et bien plus encore pour maudire la maison d'arrêt? Les détenus, si résignés qu'ils soient, et en admettant môme que leur esprit habile une région élevée et sereine, ne sauraient-ils être suspectés de quelque exagération sur ces matières? En lisaut tous ces touchants récils, le lecteur ne juge—l—il pas lui-même sous l'influence