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364              LETTRES SUli LA SAKDA1GNK.

brigand, blessé, incapable d'échapper longtemps à nos pour-
suites, il venait acheter sa vie en vendant celle de ses com-
pagnons; ce brigand était un traître. Les conditions discutées
et le marché conclu, nous nous préparâmes, pour le lende-
main, à marcher à sa suite à travers les sentiers inconnus qui
devaient nous ouvrir leur retraite inaccessible. Dans ce môme
moment voici ce qui se passait dans l'intérieur de la cabane
d'un bandit, au sommet du pic des Sept Frères, écoutez bien,
c'est la partie intéressante de mon histoire.
    « Un vieillard est accroupi auprès d'un brasier, qui pétille au
centre de la chambre et qu'il inonde de fumée, car je vous di-
rai, sans m'inlerrompre, que les Sardes qui ne craignent pas la
fumée, n'ont pas encore eu l'idée de construire des cheminées;
aussi il faut vous attendre, dans ce beau pays, à manger des rôtis
beaucoup plus fumés que tous les jambons de Moyence, mais
beaucoup moins délicats. Quant à notre vieux, il n'avait pas
 plus l'air de s'inquiéter de ces nuages asphyxiants que s'il eut
 été occupé à se rôtir le tibias devant une cheminée à la prus-
 sienne. De sa main droite il attisait machinalement la flamme
 expirante; de sa poitrine il tirait de profonds soupirs, tandis
que ses yeux étaient fixés sur une jeune et belle femme si-
 lencieusement assise au fond de la cabane. — Ma fille, lui di-
 sait le vieillard, que fait donc ton mari? La nuit est déjà bien
 sombre, et il ne revient pas. Mon Dieu, s'il lui était arrivé
 quelque malheur! Oh! si mon fils, si mon Morigedou était
 tombé aux mains des Piémontais !...—Mais sa fille, immobile
 et silencieuse comme une statue de marbre, laissait errer au-
 tour d'elle un farouche regard, sans répondre une parole aux
 questions inquiètes du vieillard. Enfin, vaincue par les obses-
 sions paternelles, elle se lève, elle marche à pas précipités; son
 cœur, gonflé d'amertume, agite et soulève sa poitrine; ses
 doigts se promènent convulsivement dans les Iresses de ses
  grands cheveux noirs dénoués, puis s'arrèlant immobile de-