page suivante »
LETTRES SUR LA SARDAIGNE. 363 profondeurs d'un précipice, qu'elle abandonnait bientôt à l'obscurité pour faire saillir à nos côtés les flancs pelés de la montagne, quand soudain nous vîmes apparaître au milieu de notre cercle silencieux... Regardez donc ïi votre droite, me dit brusquement mon aimable cicérone. » —'A cette habile et provoquante interruption, je reconnus un liseurde feuilletons ; je me retournai, j'étais en face d'une caverne de quelques mètres de hauteur, d'une largeur analogue, et dont l'inté- rieur n'avait rien de mystérieux, mais était ignoblement odo- rant. Je regardai mon guide avec le regard d'un homme qui ne comprend pas. Alors il me fit remarquer gravée en relief la figure d'une grande vipère qui s'alongeait sur la pierre au dessus de l'entrée de la caverne. Je suis un profond ignorant; aussi, à l'aide de cette vipère, je ne pus jamais parvenir à re- connaître que ce caveau fut le tombeau d'une jeune fille morte d'amour en attendant l'arrivée de son royal fiancé occupé en Espagne à guerroyer contre les Maures. Quant à mon guide, la présence de la vipère lui faisait penser avec quel- que raison que ce devait être le tombeau de CléopfHre. C'était son opinion et il y tenait. — Et notre apparition, mon cher, qu'en faites-vous donc? Je veux avoir ma fin. — Patience; nous allons monter ici par ce chemin nouvellement tracé , nous arri- verons bientôt à l'amphithéâtre romain, d'où nous verrons le soleil se coucher dans la mer , marchons lentement et écoulez-moi. « L'apparition n'était rien moins qu'un grand diable de six pieds de haut , coiffé d'un grand bonnet rouge qui lui tombait sur les yeux et porteur d'une grande barbe noire qui noyait ses jours creuses et son menton pointu ; il était armé jusqu'aux dents, mais sa chemise tigrée de lar- ges taches de sang, nous fit voir que quelques-unes de nos chevrotines étaient allées h leur adresse ; ce diable était un