page suivante »
LETTRES SUR LA SARDAIGNE. 36Î lité de savoir ce que nous devons croire ou nier, aimer ou haïr. Eux, ils croient à Dieu et à la sainte Eglise; ce qu'ils aiment, c'est le café, la pipe et les belles femmes; ce qu'ils haïssent, c'est le travail et les Piémontais. Cependant leur ca- tholicisme, hélas ! mal compris, ne les empêche pas d'être voleurs, assasins et fort libertins. Mais ia faute, diront nos utopistes, en est sans doute au soleil qui leur envoie des rayons plus chauds qu'à nous; les mœurs de notre monde n'étant pas et ne devant jamais être celles des climats où les hommes ont toujours le sang en ébullition, et où les fem- mes, nubiles à douze ans, sont vieilles à trente.... Je m'ar- rête. .. Si j'entrais une fois dans les théories humanitaires je ne prévois pas à quel terme aboutiraient mes tartines philoso- phiques, et nous aurions grandement à craindre de rester in- définiment dans le cabaret où j'ai eu l'audace de vous introduire. Ah ça ! mon cher, vous avez donc envie de vous faire administrer quelques coups de poignard ! s'écria mon cicé- rone, dès que nous fûmes au milieu de la rue; vous tom- bez amoureux de la fauve Anlonica, et vous ne vous inquié- tez pas le moins du monde de cacher ou non votre amour à son tyran jaloux!!! — Qu'est-ce donc que cette belle Antoni- ca? m'écriai-je étourdîment.—Ah! c'est toute une histoire, et je vais vous la raconter pendant que nous monterons au cou- vent des Capucins. — J'acceptai sa proposition avec reconnais- sance, en déplorant, à part moi, l'imprudence de mon excla- mation ; après tout, pour un gendarme et pour un baron, mon guide n'écrivait point mal. Au reste, vous allez en juger vous môme. Vous voyez, me dit-il , ces montagnes qui environnent le golfe et s'élagent au loin le long de la côte. « En effet, nous avions à notre gauche un rideau de montagnes dont les plis sombres et multipliés se perdaient à l'horizon : •» —