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 360              LETTRES SUB LA SARDAIGNE.

 par l'effet des années et de la transpiration, couvraient leur
 tête basanée et retenaient à peine de longues tresses de che-
 veux qui leur pendaient au milieu du dos ; leur chemise blan-
 che était fermée autour du cou par deux gros boutons d'or ci-
 selé, et débordait sur les épaules et sur la poitrine. Un petit
 gilet de velours, de couleur éclatante ; ce gilet coupé en pour-
 point moyen-âge, et se boutonnant dans le dos, se perd dans
 un petit pantalon blanc recouvert d'une jupe noire qui ne
 descend pas plus bas que le genou. Par dessus le justaucorps,
 les uns portaient une veste de drap, d'autres une peau de
 mouton, d'autres enfin ne portaient rien. Quant aux bas
 et aux souliers, ces messieurs en faisaient l'économie. Leur
 tenue n'était pas irréprochable. Quelques uns étaient assis à
 terre, les jambes retroussées et serrées l'une contre l'autre,
 humant silencieusement le café et la liqueur, et fumant dans
 de petites pipes de terre rouge adaptées à de longs tuyaux
 de roseau. D'autres trouvaient plus commode d'étendre leurs
jambes sur les tables, ou de s'asseoir sur le seuil de la porte,
exposant ainsi leur dos, de gaieté de cœur, aux coups de
pieds des amateurs qui entraient et sortaient. Tous enfin se
livraient aveuglément à leur attraction passionnelle, et
pourtant les Å“uvres et le nom de Fourrier leur sont par-
faitement inconnus , aussi inconnus du reste que le nom
et les théories de tout autre philosophe. Les Sardes , en
effet, vivent dans une ignorance et une indifférence pro-
fonde sur toutes les questions de ce genre ; ils ne se dou-
tent pas du grand mouvement d'idées qui s'opère au XIX e
siècle, et même ils ne sont pas le moins du monde huma-
nitaires, les malheureux ! Ils n'ont pas encore, comme nous,
le bonheur de voir s'élever chaque jour, des églises et des
philosophies nouvelles, mais ça leur viendra; ils ne sont pas
entourés de sublimes faiseurs de théories et de méthaphores
qui conduisent au seplicisme, nous laissant dans l'impossibi-