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358              LETTRES SDR LA SARDAIGNE.
neiges éternelles ; à droite s'étend la mer, cette mer bleue
et transparente des cotes d'Italie.
    Le jardin est orné d'un petit monument grec, sans desti-
nation, et d'une statue de la célébrité féminine de la Sardaigne,
Eléonored'Abore. Celte dame, a en croire les chroniqueurs du
pays, était un bas-bleu fort distingué de son époque, et l'on ra-
conte encore sur son compte une foule d'anecdotes, de facé-
ties et gaillardises. Mais ce qui l'a rendue à jamais célèbre,
c'est le code dont elle a doté sa patrie, et qui fut long-
temps en usage en Sardaigne, sous le nom de Caria de Luo-
gou. Maintenant, Madame, je vous demanderai la permission
de faire une petite halte dans le premier café que nous ren-
controns au sortir de la promenade, pour nous reposer l'une
et l'autre, vous, des efforts d'attention auxquels vous soumet
mon bavardage de touriste, et moi, des fatigues de ma péré-
grination, sous les rayons d'un soleil de midi, qui commence à
mettre en ébullition les cervelles de votre narrateur.
    Celait un franc cabaret que le café où nous entrâmes;
un cabaret du dernier ordre, des bancs disloqués, des tables
boiteuses, un véritable mobilier de Saltabadil; des murs noir-
cis, tachés, graisseux et enfumés, ornés d'une guenille de
soie rouge brochée or, qu'entourait une guirlande de fleurs
de marais, le tout représentant la sainte madone, palrone
de l'établissement. Dans le fond, protégé par un demi-jour
mystérieux, une belle femme adossée à la muraille préparait
le café brûlant, l'eau-de-vie, le vin chaud, le tabac et au-
tres rafraîchissements demandés. Plus j'examinais cette fem-
me, plus je la trouvais belle; ses cheveux, bleus comme les
ailes d'un corbeau, collaient à ses tempes et retombaient en
 larges torsades rejetées derrière ses épaules; ses sourcils noirs
 et minces comme un trait de plume, dessinaient un arc par-
 fait au dessus de l'orbite profond de ses yeux de gazelle ;
 aussi, quand son regard, toujours noyé dans une ombre dia-