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LETTRES SUR LA SARDAIGNE. 349 niable individu, et je devins l'hôte de maître Tesio. Je me livrai à toutes les douceurs d'un sommeil réparateur, et le lendemain je continuai mes studieuses pérégrinations dans l'intérieur de la ville. Cagliari, Madame, est comme les danseuses, c'est une ville beaucoup plus belle de loin que de près, et vraiment je regrette quelque peu de ne m'étre pas contenté de mon admiration lointaine, et d'être descendu de mon navire pour pénétrer dans ses rues tortueuses, grimpantes et fétides. Hélas ! je serais resté sous le charme de mes premières im- pressions et j'aurais emporté de Cagliari nn délicieux sou- venir, mais aussi j'eusse été privé du plaisir que j'éprouve à vous entretenir de ces impressions nouvelles et à vous com- muniquer ces détails, qui n'ont d'autre mérite que celui de vous être adressés. La ville de Cagliari est suspendue a l'extrémité d'une colline élevée et rapide, sur les trois faces de laquelle elle étale son triple amphithéâtre de maisons ; au sommet de la colline se dressent les murs crénelés d'une tour pisane, la coupole de la cathédrale et le palais du vice-roi ; puis tout autour, sans ordre et sans symétrie, un amas de maisons, coupé ça et là par de petites ruelles sombres et mal propres, à jamais privées des rayons d'un soleil consolateur. Cette partie de la ville se nomme le château. Tout ce qui a quelque prétention à une origine aristocratique, ou pour vous parler en français, tout ce qui porte un nom authentique et véné- rable, est obligé, sous peine de déroger, de venir s'enfermer dans ces attrayantes demeures; noblesse oblige encore en Sardaigne. Les trois versants de la colline sont abandonnés aux négociants, fabricants, boutiquiers, et aux pêcheurs ; ils forment trois faubourgs, connus sous le nom de la Marine, Villa nova et Slampaza. La ville haute, c'est-à -dire le châ- teau, a pour base les remparts de Cagliari, immenses mu-