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                            AGNÈS D:: MÉRANIE.                               307
adorée, environnée d'hommages ; deux beaux enfants croissent à ses côtés ,
quand , tout-à-coup , sur un simple mot du pape, ce bonheur s'évanouit
comme un rêve. Le roi refuse de renvoyer sa femme hien-aimée. Le royaume
est mis en interdit, et, pendant huit mois , la malheureuse Agnès , objet de la
haine publique, abandonnée de tous , sauf du roi , est déchirée par toutes les
tortures du regret et du désespoir, par toutes les douleurs qui peuvent percer
un cœur d'épouse et de mère , jusqu'à ce qu'enfin elle aille mourir de chagrin
au fond d'une abbaye.
    Y avait-il là le sujet d'une pièce ? Cela paraissait au moins douteux à ceux
 qui ne voient dans le drame qu'une suite d'incidents plus ou moins inattendus.
Y avait-il là seulement de quoi faire battre le cœur pendant une scène ? Une
fois l'interdit lancé , la pièce n'était - elle pas condamnée à une immobilité
d'action complète ? Que pouvait faire Philippe paralysé par une puissance
invisible ? Que pouvait faire Agnès, sinon se désoler ? Alors , où était le nœud
de l'intrigue ? où étaient les émotions ? — Certes , si le drame doit être inévi-
tablement composé d'une série d'événements enchaînés par le nœud d'une
intrigue habilement ourdie , il n'y avait pas là de drame ; mais , s'il suffisait
de montrer aux spectateurs des caractères fortement tracés, les violents corn,
bats du cœur humain aux prises avec la fatalité , s'il suffisait de trouver des
situations où les passions fussent vivement excitées , où pussent éclater de
nobles sentiments exprimés avec art ; c'était-là un sujet fécond , un sujet
doué de toutes les qualités dramatiques. En un mot, toutes les anciennes
questions si longtemps discutées, toutes les vieilles querelles littéraires de-
vaient se réveiller nécessairement autour de cette œuvre audacieuse qui se
présentait sans cuirasse aux traits acérés de ses ennemis. De là devait résulter
une scission violente dans l'opinion , et ce qui pouvait sembler aux uns, placés
à un certain point de vue, une œuvre d'une grande portée , fortement conçue
et brillamment exécutée, pouvait ne paraître à d'autres que la tentative insensée
d'un esprit audacieux qui voulait faire rétrograder le mouvement littéraire.
   Toutes ces réflexions nous venaient à l'esprit , pendant que nous voyions se
dérouler sous nos yeux le drame énergique et touchant que M. Ponsard a su
tirer de ce sujet si simple en apparence , pendant que nous assistions à ce
martyre d'un cœur de femme rendu avec tant d'éloquence et de vérité. C'est
évidemment sur le rôle d'Agnès que s'est concentré tout le travail du poète ;
c'est Agnès qu'il a étudiée avec passion, qu'il a parée des plus riches diamants
de son écrin poétique ; c'est elle qu'il a dû aimer de préférence , après sa
création , comme l'enfant de son choix , comme la fille de ses entrailles. Tons
les autres personnages sont groupés autour de cette figure principale , et ne
lui servent, pour ainsi dire, que de cadre. C'est elle qui ee' toute la pièce ,