page suivante »
VOYAGE A VIENNE. 28i
une sévère revue de cette collection exubérante et débordée;
car s'il y a là des œuvres de haute valeur, il s'y trouve
aussi beaucoup d'Å“uvres sans valeur aucune. Je ferais le
discernement de la paille et du bon grain: je dirais à mes
beaux Vandik, aux Rubens de mon choix, aux Rembrandt,
aux Raphaël, aux Titien, à tous les illustres : vous les bons,
vous les élus, les authentiques, passez à ma droite! A vous
les cadres d'or, la plus belle lumière, les places d'honneur dans
mes salons, à vous tout mon palais ! Mais je dirais aussi à ces
tableaux douteux, sans inspiration, sans nom bien acquis
et bien porté, sans dessin et sans couleur: vous les suspects,
les mal venus, les infirmes, passez à ma gauche, à ma gau-
che, vous dis-je ! Mois prince de Liechtenstein, séant en
mon lit de justice, je vous dégrade et je vous chasse! Quand
la nuit sera venue, vous sortirez sans bruit, par une porte
de derrière; allez, maudits, qui avez surpris ma religion,
je vous dévoue à l'huissier-priseur! Que l'arrière-boutique
du marchand de bric-d-brac vous recueille, et ne dites j a -
mais que vous sortez de. chez moi !
Dans le faubourg de Maria Hûlf est encore une immense
galerie de tableaux qui appartient au prince Esterhazy et
qui occupe une partie de son hôtel, lequel est du reste habité,
si je ne me trompe, par l'ambassadeur de Turquie. Cette ga-
lerie particulière était jadis ouverte à tout venant, certains
jours, comme un musée public : aujourd'hui les étrangers ac-
compagnés y sont seuls admis, et c'est à cause de ce privilège
que j'ai pu la visiter. Elle est aussi d'une richesse surabon-
dante. J'y ai admiré le tableau fameux du Christ devant Pilate,
de Rembrandt. C'est un chef-d'Å“uvre grave et vigoureux,
une composition sincère et d'ordre élevé. J'ai encore remar-
qué dans un très petit cadre, une toile du môme peintre où
sont représentés deux moines lisant la bible. Les tôles sont
excellentes; elles expriment, avec une vive et spirituelle sail-