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204 DE LA POI.
près nos idées ; mais je sais que dans le fail, ce sont toujours
nos idées qui se forment d'après nos sentiments. L'hom-
me vil a des idées viles, l'homme élevé a seul des idées
élevées.
Je ne vois pas que cette prédominance, chez l'homme, des
sentiments sur les idées, soit d'une grande injustice : l'idée
ne témoigne jamais que d'un acte souvent très prompt de
notre esprit ; nos sentiments résultent toujours de l'état gé-
néral et complet de notre nature. Aussi les hommes ne se
sont-ils jamais battus pour l'évidence ; ils versent leur sang
pour leur foi.
Le sentiment porte en nous la conviction bien au-delà des
limites de la raison. Psychologiquement, il peut, seul, être le
siège de ce qu'on appelle la Foi. Si dans l'innocence on n'é-
coute que son ame, et si lorsqu'on a tout connu on en r e -
vient à elle, un fait exactement semblable a lieu dans l'ordie
de la pensée pure. Croyez-le bien, l'âme est plus logique que
la logique môme. Quand les conceptions de la science ne sont
pas conformes à ses premiers sentiments, ce n'est point parce
que ces conceptions sont trop profondes, mais parce qu'elles ne
le sont pas assez.
Ne croire et n'aimer que d'après jugement, serait toujours
très belle chose, si notre esprit garantissait ses jugements,
si notre esprit était indépendant de notre cœur. Mais comme
nous ne voulons croire que ce que nous pouvons aimer, il en
résulte au moins ce fait, que la nature de notre foi est une
parfaite indication de la nature de notre être.
II en résulte aussi ce fait, c'est que noire conduite est une
addition fidèle de tout ce que nous sommes. Les hommes qui
prétendent ne croire que sur leur jugement, sont bien les
plus pénibles des êtres; ils ne sauraient avouer que, plus
encore que les autres, ils sont dupes de leur cœur, et d'un
cÅ“ur.... qu'ils ont constamment travaillé à restreindre et Ã