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152 M. ANGELO FRIGNANI.
Joyeux d'un tel succès, la première chose que je me proposai ce
fut de vaincre la répugnance qu'elle éprouvait à regarder un homme
en face. J'en triomphai en moins de deux jours, je l'amenai même
à me parler, car elle pensait que j'étais un ange. Et j'allai lui disant :
« Chère sœur, si Dieu t'accorde sa grâce, tu pourras dorénavant
« regarder en face un homme quel qu'il soit, et, quand tu viendras
« à en rencontrer un, t'entretenir avec lui, sans crainte de pécher.
« Ma grâce, dit le Seigneur, purifie l'ame, défend des tentations, et
« met en fuite l'ennemi. Toi donc, regarde, et bien plus aime les
" hommes comme des frères ; le Seigneur ne te demande pas moins
« que cela en retour du pardon de tes péchés; mais sois docile et
« obéissante. »
C'est chose incroyable à dire quel baume ces paroles jetlèrent
dans son ame. Un jour, élant occupé à écrire, j'entendis L.... qui
me criait : « Mou ange, mets-toi à la fenêtre je désire te voir. »
Je me montre aussitôt et lui dis : « Que Dieu te sauve, L....,ie
Seigneur est avec toi. Assieds toi là sur l'herbe, et réponds à ce
que je te demanderai. « Quel âge as-tu »
Elle s'assit. « Trente ans, » me fit-elle.
Jeune encore, pourquoi tej mets-tu les cheveux et les vêtements
comme une vieille décrépite?
Pour déplaire aux hommes.
Comment donc, n'es-tu pas mariée?
Mais si !
Donc (u agis contre la parole du Seigneur qui dit : « L'é-
pouse se doit orner, pour plaire à l'époux. »
L.... resta confuse. Après un court silence : « Lève-toi, lui
« criai-je, approche-toi de moi et regarde dans ce miroir ton vi-
» sage de guenon. »
Quand elle eut vu le miroir, elle s'enfuit épouvantée, et s'écria :
« C'est le démon. «
Je descendis de la fenêtre, et, avec un petit couteau que j'avais,
j'ôtai du plomb au miroir, de façon qu'il y apparut une croix. En-
suite, je rappelai L...., et lui dis : « Malheureuse femme, c'est
« ainsi que tu te méfies de l'ange de Dieu? Maintenant, sa main