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i 48 M. ANUELO FRIGNANI. Poursuivant ses folies simulées, M. Frignani prenait une 'ois des soldats pour des jésuites, missionnaires dans la Chine, et mêlaitjle passé au présent, puis racontait à sa manière les miracles du conquérant François Xavier. Les pauvres soldats restaient tout ébahis de tant d'étrangetés. Une autre fois, quand on le changeait de prison, il ne voulait pas partir sans l'ange Raphaël son cher maréchal-des-logis, Raphaël Rranca, et c'était là véritablement son ange tulélaire. En d'autres circonstances, Frignani faisait un infernal ta- page, et son aliénation lui en donnait déjà le droit. Il bri- sait tout autour de lui, les vases de terre, comme ceux de porcelaine, car s'il eût distingué entre les deux genres, il se fût quelque peu trahi. Quand il fut permis, ou ordonné aux soldats gardiens de causer avec le prisonnier, dans des vues probablement qu'il soupçonnait assez, il évoquait aussitôt une mornachie fantastique, découpait sur la carte de ses états un comté à celui-ci, un duché à celui-là , distribuait les déco- rations à un autre, et faisait magnifiquement les honneurs de la royauté. Puis, arrivait une passion folle, ardente pour la ! sÅ“ur d'un sien compatriote, sans que ces divers expédients ) lui fissent oublier cet incomparable docteur Tommassini et son troisième élément. Le bon docteur est une des plus amu- santes physionomies de ce livre. Si le grand inquisiteur monsignor Invernizzi venait inter- roger le prisonnier, c'étaient des frais inutiles de subtilité et de rouerie cauteleuse ; Frignani savait railler ses gens avec ces assommants sarcasmes qu'inspire la folie, et ordonnait aux soldats de prendre monseigneur sous leur vigilance la plus spéciale. Le prélat Invernizzi fut des premiers à confesser qu'il y avait aliénation bien conditionnée. Un jour, Frignani fut visité par son frère. Mais comment le rassurer, bien qu'il le voulût? Il prit donc à part tous ceux qui étaient là , et leur fit signe qu'il avait quelque secret Ã