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136 VOYAGE A VIENNE. en prendre possession ; tout au plus pourricz-vous vous y pré- senter sous l'humble habit du pèlerin pour aller vous proster- ner au Saint-Sépulcre! L'enfant devint adolescent et puis homme. Dans ces pro- gressives transformations de l'âge, se développait avec élan sa riche nature, tantôt impétueuse, tantôt réfléchie, toujours grande. On raconte qu'il avait surtout, à l'égard des hommes, un don de scrutation profonde dont la source est connue. Vers la fin de sa vie si courte il eut des préocupations mélancoliques qui provenaient peut-être d'une plus parfaite appréciation du passé et du présent, peut-être aussi d'un affaissement physique produit par le mal. On sait qu'à cette époque il lut les Méditations dont il répétait avec émotion le passage suivant: Courage, enfant déchu d'une race divine ! Tu portes sur ton front ta céleste origine. Tout homme en te voyant reconnaît dans tes yeux Un rayon éclipsé de la splendeur des deux. Dans sa pensée amère, il faisait une application doulou- reuse et personnelle de ce qui, dans la grande inspiration du poète, embrasse l'humanité. On ne saurait douter que, vers la fin de sa vie, et particu- lièrement après la révolution de juillet, il n'ait eu de fortes aspirations vers la France. Un jour que sa destinée criait en lui plus encore que de coutume, il vint trouver avec une agi- tation fébrile et pourtant contenue le prince Dietrichstein pour avoir, de cet homme éclairé, une juste appréciation de la révo- lution de 1830, dans toutes ses conséquences. Sa pensée secrète était probablement fixée en particulier sur ce qui touchait aux vues et aux espérances du parti napoléoniste. Il paraît que la sage réponse du prince, qu'il écouta avec une attention pro- fonde, fut pleine de cette vérité pénétrante qui fait entrer de force dans l'esprit la conviction avec le désillusionnement. li