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58                            LA CÈNE.
combinenl à des degrés divers. La même vérité, acceptée par tous,
est envisagée par chaque esprit sous un aspect particulier : la
même semence produira une moisson différente dans chacune de
ces âmes. Tous les sujets tirés de l'Ecriture ont évidemment une
portée symbolique outre leur sens littéral ; et la valeur interpré-
tative de chacun de leurs personnages doit être mise en relief par
l'artiste, commentateur plus libre et souvent plus profond que l'é-
crivain. Il est permis de penser que les douze Apôtres, recevant les
premières leçons du souverain maître , représentent un même
 nombre de familles, d'esprits et de modes distincts de sentir et de
comprendre la vérité divine , et l'idéal qui leur est offert dans la
personne do Phomme-Dieu. Chez quelques-uns des Apôtres, la pré-
dominance de certaines facultés est tellement apparente, qu'elle a
 frappé même l'intelligence du vulgaire. Ainsi Pierre a toujours été
 reconnu pour l'apôtre du dogmatisme inflexible et de l'action; Jean,
 pour celui de la contemplation et du mysticisme ; outre ces deux
 types et celui de saint Thomas qui représente, d'une façon égale-
 ment populaire, l'hésitation réfléchie de l'intelligence et le ration-
 nalisme dans la foi , chaque figure d'apôtro est symbolique de l'un
 des principaux états de l'esprit et du cœur dans la vie métaphysi-
 que et religieuse. Le sujet de la Cène offre donc ce mérite unique de
 réunir autour de la vérité vivante et incarnée dans le Christ, tous
 ensemble, sans personnages secondaires, sans incident qui les di-
 vertisse de l'action principale, en un mot, dans la plénitude de leur
 individualité, ces douzes types primordiaux des diverses familles
 de croyants. Le sentiment particulier qu'éveille en chacun d'eux la
 vérité fondamentale du christianisme, au moment où elle est pro-
  mulguée, doit exister à perpétuité dans une famille d'esprits corres-
  pondants. On voit par là de quelle importance est l'expression de
  chaque tête dans un sujet pareil, et combien la complexité de cette
  expression suppose un art avancé et une époque où la naïveté pri-
  mitive du fidèle et de l'artiste s'est mêlée de réflexion et de philo-
  sophie.
  L'histoire de l'art nous montre en effet ce sujet de la Cène comme
ayant été rarement lfaite par les maîtres antérieurs à la Renais-
sance. La première fois qu'il est réalisé d'une manière éclatante,