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478 donc, non par décision de ma raison, mais parce que le fait est au dessus de la discussion. Si la raison dit quelque chose, elle dit tout simplement cela, mais voilà tout, et, du reste, elle déclare son incompétence absolue. En effet, s'il fallait non seulement que le fait fût constaté, mais que la raison l'approuvât, je dis qu'on serait dispensé de croire à rien, car il n'est rien contre quoi je ne conçoive des arguments pos- sibles» Tout le monde sait parfaitement qu'un homme d'esprit décidé à subtiliser peut tout réfuter, et que celui qui voudrait légitimer un fait, prouver que ce fait est logique, serait dans un impasse où tout habile dialecticien pourra l'acculer tout à son aise. Rien ne me paraît plus ridicule pour un être raisonnable que de souffrir du mal de dents ; mais j'en souffre, voilà le fait. Que de gens, fiers sans doute mal à propos, seraient fort aises de se démontrer qu'ils sont exempts des infirmités hu- maines, et qu'ils ne sont asservis, eux, nobles intelligences, à aucun besoin du corps. Mais la faim persuasive est là pour leur rappeler le contraire, et ils n'ont garde de récuser son autorité et de lui démontrer son absurdité. Réfléchissez-y bien ; ne croyez-vous pas à une foule de faits sur le témoignage de vos sens ? ne croyez-vous pas à une foule d'autres sur le témoignage de ce qu'on appelle votre sens intime ? tels sont ceux-ci : je souffre, je m'ennuye, je suis inquiet, etc. Ne croyez-vous pas aune foule d'autres sur le témoignage des hommes? tels sont ceux-ci : un tel est bien portant, le feu a pris dans tel quartier, les arbres ont gelé la nuit dernière, etc. Or, dans ces trois cas, croyez-vous à ces différents faits parce qu'ils vous sont démontrés conformes à la raison, ou tout simplement, parce qu'ils sont indubita- blement ? Voilà toute la question. Que serait-ce qu'un physicien qui dirait ; moi, je n'admets pas toutes sortes de choses, mais seulement ce qui satisfait