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  ma raison ; en conséquence, je laisse là les faits ; je m'en-
  ferme, je rêve, je combine, et voici venir, à force de médi-
  tations, toute une théorie de l'univers. Je sais que le premiers
  savants s'y sont pris ainsi, et que je n'ai pas l'intention de
  me moquer d'eux. Mais enfin ils se sont trompés évidemment,
  et si leur erreur était excusable alors, elle serait aujourd'hui
  grossière, aujourd'hui que, dans les sciences naturelles et
  physiques, il est reconnu que l'autorité des faits est au dessus
  de tout.
     Je ne parle pas de la philosopie, des sciences sociales et po-
  litiques ; le principe de l'autorité des faits n'y est pas encore
  établi définitivement ; seulement ses progrès y sont évidents,
  et là aussi on commence à reconnaître nettement que la
  science est incessamment soumise aux faits.
      La conséquence la plus immédiate du principe de Vauto-
  rité des faits, conséquence à laquelle cependant il n'est pas
  d'homme qui ne manque souvent, est celle-ci : les différents
  faits sont connus par des moyens divers, et nul fait ne doit
r être constaté que par le moyen qui lui est propre.
     Ainsi, ne serait-ce pas une absurdité que de refuser de
  croire aux couleurs et aux apparences visibles que fait con-
  naître la vue, sous prétexte que le toucher ne peut les at-
  teindre? ou bien aux sons, parce qu'ils ne se voient ni se
  touchent ? Personne ne commet de telles méprises, mais il en
  est d'aussi grossières et qui sont fort communes. Combien de
  gens déclarent, systématiquement du moins, qu'ils ne veulent
  croire à aucun des faits qu'on appelle faits de conscience,
  tels que l'idée, le sentiment, sous prétexte que ces faits
  échappent aux sens? Or, c'est le propre de ces faits d'échap-
  per aux sens, comme aux couleurs d'échapper au toucher, et
  aux sons d'échapper à la vue. S'il est ridicule de demander à
  voir le son d'une trompette, il l'est tout autant de demandera
  voir ou à palper une pensée. Le bon sens naïf fait parfaitement