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    Autrefois, aux beaux jours de la Grèce, dans ces magni-
fiques théâtres où se rassemblait toute une nation, il y
avait aussi un professeur de poésie. Après une scène lou-
chante ou terrible de Sophocle ou d'Eschyle, quand l'as-
semblée entière palpitait d'émotion , quand ses sanglots
étouffés cherchaient une issue, une expression pour se tra-
duire, tout à coup du centre de l'édifice, des gradins du
Thymélé., de ce foyer où aboutissaient tous les rayons de
l'hémicycle, une voix s'élevait, quelquefois calme comme
la raison, quelquefois passionnée comme se passionnent
la justice et la vertu. C'était souvent le chant mélodieux
d'un vieillard, voix attendrissante comme les derniers a-
dieuxd'un beau jour; souvent c'était l'accent naïf d'une jeune
fille qui semblait joindre au charme de l'innocence la majesté
d'un sacerdoce public. C'était le Chœur, voix collective,
représentant d'un peuple. Tous pensaient avec lui, admiraient
par sa parole., pleuraient avec ses larmes. Lui, avait pour
mission de prolonger l'émotipn des spectateurs, d'exprimer,
de faire sortir toute la poésie d'une situation tragique, de
retourner dans la blessure le trait acéré de la pitié. Mais sa plus
noble tâche , c'était, au milieu de la tourmente des passions
scéniques, au-dessus des jeux de la fortune et des accidents de
la vie, de faire planer l'idée d'une puissance divine, de chercher
dans une pensée religieuse le secret des événements humains.
   Tel est, MM., à part le ton lyrique de celte parole, l'image
de l'enseignement de la poésie. Nous nous rassemblons ici
pour entendre les œuvres des grands poètes. Comme nous
allons prier en commun dans les temples, nous venons ici
pour admirer en commun. Nous nous réunissons là pour le
culte du saint, ici pour le culle du beau, ces deux révélations
du même Etre : et comme il faut bien qu'une voix s'élève dans
cette enceinte, un homme lâchera de s'animer de vos senti-
ments et de vous renvoyer les émotions qu'il aura éprouvées
avec vous.
   Mais que fais-je, MM., moi qui tout à l'heure reculais