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DE LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE. 461 la philosophie française présentent aussi des caractères com- muns. Il eu est un d'abord qui résulte tout naturellement de la prédominance de la méthode psychologique, à savoir le spiritualisme, c'est-à -dire la distinction du principe pensant et du principe corporel. Malgré l'opposition de Gassendi et de sa petite école à Descartes, la prédominance du spiritua- lisme est évidente dans toute la philosophie du XVIIe siècle. Elle n'est pas moins évidente dans la philosophie de notre époque. Où elle paraît contestable, c'est dans la philosophie du XVIIIe siècle dont l'idée, pour un grand nombre d'esprits, est étroitement associée aux doctrines d'Helvétius, de La- mettrie et du baron d'Holbach. Mais ces matérialistes ne sont que des enfants perdus de la philosophie du XVIIP siè- cle, ils n'en sont ni les chefs ni les représentants : ils ont été désavoués et sévèrement blâmés par Voltaire et par Rousseau, or, Voltaire et Rousseau ne sont-ils pas les chefs des libres penseurs du XVIIIe siècle? Condillac, qui dit que nous ne sortons jamais de notre pensée, soit que nous nous élevions vers les cieux, soit que nous descendions dans les abîmes, incline plutôt à l'idéalisme qu'au matérialisme ; or, Condillac n'est-il pas le métaphysicien par excellence du XVIIIe siè- cle? En général, jusqu'à présent, on s'est beaucoup trop at- taché à marquer par où la philosophie du XVIIP siècle diffère de la philosophie du XVIIe, et pas assez par où elle s'y rat- tache. Je vais en donner une preuve nouvelle dans les consi- dérations suivantes sur un autre point de doctrine, commun à toute la philosophie française. Ce point commun est la croyance en une raison éclairant tous les hommes, en une raison principe d'une justice et d'une morale universelle, principe de devoirs absolus et de droits imprescriptibles pour l'humanilé tout entière. Cette doctrine appartient non seulement au XVIIe et au XIXe siècle, mais aussi au XVIIIe. Une telle assertion, plus encore que la précédente,