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DE LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE. 459 mun. Nul doute qu'elle ne doive en grande partie à ce ca- ractère de modération et de sagesse l'influence profonde qu'elle a exercée sur les destinées sociales et politiques de la France. La méthode de la philosophie française présente encore un caractère extérieur qu'il importe de signaler, à savoir une ad- mirable clarté qui frappe tous les yeux et qui la rend acces- sible à presque toutes les intelligences. À la différence de philosophes d'autres contrées qui, dans leur langue et leurs formules particulières, obscures et bizarres, semblent ne vou- loir que faire des monologues avec eux-mêmes, les philoso- phes français parlent une langue intelligible à tout le monde, et font tous leurs efforts pour donner une forme populaire à leur méthode et à leurs doctrines. Déjà j'ai signalé celle tendance dans Ramus. Elle a été plus évidente encore, et surtout plus efficace dans Descartes. Pourquoi Descaries a-t-il écrit en français le discours de la méthode? il le dit lui-môme, c'est pour s'adresser à tous les hommes de bon sens, et non pas seulement aux pédants, nourris de grec et de latin. Il voulait être compris des enfants et des femmes, à ce que rapporte son historien Baillet. Il avait môme commencé à exposer sous une forme populaire, dans un dialogue, les principes du discours de la méthode et des méditations; pour la forme comme pour le fond, la philosophie du XVIIe siècle a subi l'influence de Descartes, la clarté du maître se retrouve dans les disciples et jusque dans les plus hautes spéculations de Fénelon et de Malebranche, sur la raison éternelle et l'infini. Cette ten- dance et ce caractère sont encore plus marqués dans les phi- losophes du XVIIIe siècle. La langue de Voltaire est plus claire que celle de Descartes, et la philosophie du XVIIIe a fait plus d'efforts que la philosophie du XVIIe siècle pour introduire ses principes dans toutes les intelligences. Depuis le pur traité de métaphysique jusqu'au roman et au conte,