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458 DES CARACTÈRES GÉNÉRAUX losophesdu XVIIe, soit par les philosophes du XVIIIe siècle. Dugald Steward a remarqué avec raison que Locke, dans l'es- sai sur l'entendement humain suivait la même méthode que Descartes dans les méditations. À son tour, Condillac a em- prunté celte méthode, soit à Locke, soit à Descartes. Si les résultats obtenus par Condillac diffèrent tellement des résul- tats obtenus par Descartes, c'est que Condillac n'a pas su s'en servir, c'est qu'il est demeuré à la surface au lieu de péné- trer avec elle dans les profondeurs de la conscience. Cette diversité des résultats ne vient pas de la méthode, mais de la diversité de ses applications. En l'appliquant avec plus de force et de profondeur, l'éclectisme a retrouvé dans la cons- cience ce qu'y avait découvert le génie des Descartes et des Malebranche. Si par une foi ferme dans l'indépendance et la souverai- neté de la raison, la philosophie française s'est en général préservée du mysticisme et du scepticisme, par cette méthode qui prend son point de départ dans l'élude de notre propre réalité immédiatement attestée par la conscience, elle a évité le dangereux écueil du panthéisme. En effet, quand on prend son point de départ dans la conscience de notre propre réa- lité et de notre propre causalité pour arriver ensuite à conce- voir la nature du monde et de Dieu, on est peu disposé à oublier, encore moins à nier cette réalité en la sacrifiant à quelque hypothèse ontologique plus ou moins spécieuse. Cer- tains principes exagérés de la philosophie de Descartes pou- vaient aboutir à cette conséquence, mais Descartes et Male- branche, le cartésianisme français tout entier ont su résister à cette tendance et se retenir sur la pente glissante où les en- traînaient ces principes. Ainsi, grâce à la sagesse de sa mé- thode, la philosophie française s'est en général préservée de ces grandes erreurs qui discréditent la philosophie en la met- tant en contradiction directe avec les croyances du sens com-