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456 DES CARACTÈRES GÉNÉRAUX serve la philosophie française des écarts du scepticisme et du mysticisme. En effet, il est remarquable combien le scepti- cisme et le mysticisme tiennent peu de place dans son his- toire. On n'y trouve que quelques demi-sceptiques dépour- vus de profondeur et de décision, c'est à l'Angleterre et à l'Allemagne qu'appartiennent les grands sceptiques des temps modernes. 11 en est de môme du mysticisme, frère du scep- ticisme, car, comme lui, il a sa source dans une défiance des forces et de la légitimité de la raison. Où aperçoit-on dans le XVII e et dans le XVIII e siècle, la part et le rôle du mysti- cisme? L'ami de Mme Guyon, Fénelon, a été souvent accusé de tendance au mysticisme. Cette tendance peut se rencon- trer dans quelques-unes de ses maximes de piété, mais non pas dans sa philosophie qui est celle de Descartes. Voilà donc un principe fondamental de la méthode, se trouvant identi- que dans toutes les phases de la philosophie française. Un autre caractère non moins général de la méthode philo- sophique française, est d'aller du connu à l'inconnu, c'est-à - dire de prendre l'ame humaine, non pas pour le terme et la mesure, mais pour le point de départ de toutes les spécula- tions sur la nature de Dieu et sur la nature des êtres. Quel être connaissons-nous immédiatement dans l'intimité de sa nature et non pas seulement dans son extérieur et sa super- ficie ? Nul autre, si ce n'est nous-mêmes. Où pouvons-nous puiser une idée de la nature des causes et des substances, de la nature de Dieu et de ses attributs ? Nulle part ailleurs qu'au dedans de nous-mêmes et dans le sentiment immédiat que nous avons de notre causalité, de notre amour, de notre li- berté, de notre intelligence? La philosophie française en gé- néral a toujours eu conscience de cette vérité, elle a toujours suivi cette méthode. Elle ne se place pas de prime abord au sein de l'absolu pour en déduire a priori les êtres contingents en général et l'homme en particulier, elle prend son point