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DE LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE. 455 Telles sont, Messieurs, les trois grandes phases parcourues par la philosophie françaises depuis le XVIe siècle jusqu'à nos jours. Chacune de ces phases présente des différences pro- fondes que je viens de signaler rapidement. Mais, au milieu de ces différences, il y a des ressemblances qui constituent l'unité et l'esprit commun de la philosophie française. Quelles sont ces ressemblances ? quels sont les caractères généraux qui distinguent la philosophie française de toutes les autres philosophies de l'Europe moderne? Quelle est sa physiono- mie propre ? quel est l'esprit particulier qui l'anime ? Il faut chercher la réponse à ces questions dans l'examen de sa mé- thode et de ses principes. Une foi ferme et inébranlable dans l'autorité et la souve- raineté de la raison, tel est à ce qu'il me semble le premier caractère général de la méthode de la philosophie française. Après avoir mis à part, avec Descartes, les vérités révélées, le XVIF siècle, en ce point, est tout aussi ferme, tout aussi inébranlable que le XVIIIe ou le XIXe siècle. Tous les dis- ciples de Descartes, de môme que leur maître, placent dans l'évidence le signe unique de la vérité. Bossuet, en matière de philosophie, ne croit pas moins que Voltaire à la souve- raineté de la raison. C'est l'autorité et la tradition en théo- logie, c'est la seule raison qu'il faut suivre dans la philoso- phie , voilà ce que répèlent, à chaque page les Pascal, les Arnauld, les Malebranche, les Fénelon et les Bossuet. Aussi, ni le XVIIe ni le XVIIIe siècle ne nous présentent- ils des philosophes abandonnant la raison pour chercher la vérité philosophique, soit dans la révélation et la tradition, soit dans l'inspiration et l'extase. Le triste spectacle de ces erreurs était réservé à notre temps; mais elles n'ont été, parmi nous, qu'un accident sans influence, et elles n'ont pas réussi à altérer le caractère générale de notre esprit philoso- phique. C'est cette foi en l'autorité de la raison qui a pré-