page suivante »
452 DES CARACTÈRES GÉNÉRAUX siècle, jusque vers le milieu du XVIIIe, la philosophie de Descarfes règne en France sans rivale. Elle subjugue toutes les grandes intelligences de l'époque. Elle suscite Male- branche et Spinosa, elle influe puissamment sur Locke et sur Leibnitz. Non seulement elle imprime son cachet sur toute la philosophie, mais encore sur toute la science et sur toulc la littérature du grand siècle. Ni dans les temps anciens, ni dans les temps modernes, une autre école ne s'est produite avec de plus grandes et de plus glorieuses destinées. Cepen- dant, au XVIIIe siècle, une vive réaction s'opère dans les es- prits, et le Cartésianisme succombe. Aussi rapide avait été son triomphe, aussi rapide est son déclin. Comment est tombée cette grande philosophie, si remplie de vérités fortes et fécondes, comment, surtout, a-t-elle succombé sous l'effort de la philosophie sensualiste? Le Cartésianisme triomphantse discrédita par les prétentions et l'arrogance de ses disciples qui, dans leur enthousiasme pour Descartes, recom- mençaient à jurer sur la parole du maître, et voulaient le faire succéder à l'autorité absolue d'Aristote,de telle sorte que la phi- losophie du XVIIIe siècle pût paraître à un grand nombre une protestation nouvelle au nom de l'indépendance de l'esprit humain. Le Cartésianisme se perdit encore, et par son dé- dain pour l'expérience, à un temps où l'expérience était mise en honneur et consacrée de toute part par de grandes dé- couvertes dans les sciences physiques et naturelles, et par la témérité de quelques unes de ses hypothèses, soit physiques, soit métaphysiques. Il eut le tort de repousser l'hypothèse de l'attraction de Newton, et de défendre avec opiniâtreté l'hy- pothèse des tourbillons si victorieusement attaquée par Vol- taire, dans ses éléments de physique. Le Cartésianisme sembla donc vouloir à son tour immobiliser la science, en même temps que, laissant de côté, à l'exemple de son chef, toute spéculation sociale et politique, il parut incliner à immobi-