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60                 MADEMOISELLE DU MAGLAND.
sous mes yeux, partageant mes travaux, mes distractions, il en est
résulté qu'elle sait beaucoup de choses que les femmes ignorent or-
dinairement, et qu'elle ignore ce que toutes savent. Je vous avoue
quej'ai la vanilé de penser que son heureux naturel n'a rien perdu à
ne pas subir l'influence de l'éducation qu'on donne généralement aux
filles ; elle a peut-être un peu les allures d'un garçon, mais elle n'est
 encore qu'un enfant, c'est l'affaire de quelques voyageset d'un hiver
à Paris. — En causant de. la sorte, ils arrivèrent à un sentier qui
conduisait directement à Hauterive; M. de Magland renouvela son
invitation à Raoul et ils se séparèrent.
    Raoul avait dix-huit ans, et Marie en avait treize ; à cet âge, une
fille élevée par un homme n'a pas encore de sexe. Bientôt elle fui
pour Raoul un charmant camarade pour ses jeux, ses exercices de
jeune homme ; il entreprit avec M. de Magland, à travers la Suisse,
de longues excursions dont Marie partagea les fatigues et les dangers.
 A la fin de l'année, Raoul partit pour l'Allemagne, et les deux enfants
 pleurèrent en se séparant. Pendant plusieurs années, M. de Magland
conduisit Marie à Paris; ils visitèrent ensuite l'Angleterre, la Hol-
lande et l'Italie.
    Ce fut après cinq ans d'absence que Raoul les rencontra à Florence;
l'enfant qu'il avait jadis aimé avec toutes les familiarités de l'amitié
fraternelle était alors dans toute la gloire de ses belles années; il
crut la voir pour la première fois. Marie revit avec joie l'ami de
son enfance qu'elle avait tant regretté; M. de Magland l'accueillit
avec bienveillance, et Raoul enhardi demanda et obtint de se joindre
à eux pour continuer le voyage. A dater de cet instant, leurs jour-
nées se partagèrent entre l'étude et de longues courses dans ce
doux pays où l'on vit au milieu des tableaux, des statues, des
fleurs et du soleil !
    Bientôt Raoul ressentit près de Marie ce trouble délicieux qui,
au matin de la vie, remplit le cœur d'enchantement; et, sous ce
beau ciel si bien fait pour l'amour que c'est l'outrager que de n'y
point aimer, leur tendresse naquit au bruit des cascatelles mugis-
santes, à l'ombre des pins et des oliviers, à la face du ciel qui les
protégeait de son azur le plus doux et de ses rayons les plus cares-
sants. Sans doute, ils s'étaient tout dit dans le langage de l'ame,