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                    MADEMOISELLE DE MAGLAIVD.                           6]
mais jamais leurs lèvres n'avaient laissé échapper un mot do leur
cœur.
   Ils étaient à Venise. M. de Magland avait réuni une brillante so-
ciété dans l'ancien palais des Pizanni .vieil édifice tout couvert de scul-
ptures mauresques, et que la ville patricienne abandonne aux étran-
gers pour quelques sequins. La soirée promettait d'être magnifique ;
on proposa une promenade au Lido; les gondoles glissaient douce-
ment sur les muettes lagunes, suivies par une barque sur laquelle des
musiciens faisaient entendre par intervalle une harmonie douce et
suave. Raoul s'assit près de Marie, et instinctivement elle fut émue.
Sans doute, elle aimait Raoul, mais elle jouissait de son amour sans
s'être interrogée sur la nature de ce sentiment ; c'était pour elle
comme une religion qu'on offense rien qu'en l'examinant.
   Il y a dans l'amour quelque chose qui se décèle, qui se comprend
sans qu'aucune langue ait besoin de l'exprimer. Une première émo-
tion d'amour a, dans la voix, dans l'attitude, des interprêtes d'autant
plus fidèles qu'on néglige de les déguiser.
   C'était l'heure de ces voluptueuses causeries, où l'on ne se voie
plus parler, où la confiance plus hardie laisse échapper des expres-
sions plus tendres. Profitant de l'espèce de solitude que leur nom-
breuse société établissait autour d'eux, Raoul dit à voix basse :
Marie, ne pensez-vous pas que la musique est le vrai langage du
cœur, et que jamais il ne l'interprète mieux que lorsqu'il est heu-
reux? Ces sons délicieux ne vous semblent-ils pas des promesses de
bonheur? — Oui, dit Marie, mais d'un bonheur passager; la musi-
que m'inspire toujours la mélancolie ; on sent trop s'enfuir le plaisir
qu'elle cause. — Laissez-moi croire que vous savourez comme moi,
à plein cœur, tous les enchantements de cette heureuse journée,
passée toute entière auprès de vous, sous ce ciel limpide, dans cette
atmosphère parfumée? —Je sens comme vous tout le charme de ces
beaux jours d'Italie, mais vous les oublierez vite, vous allez voir
l'Orient...—Je ne veux plus aller en Orient.—Je croyais vousavoir
entendu parler de ce voyage comme d'une chose décidée. — Je ne
 quitterai plus la Suisse.— Et votre chère Bretagne, que vous appeliez
 votre paradis? — « Tout pays est le ciel, s'il y demeure un ange »
a dit le bon vieux Flelcher, mon paradis est maintenant où vous