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308 BULLETIN THEATRAL. de voix, certaines notes élevées, et qui n'attend le chanteur qu'à de certains passages, c'est que l'artiste ne s'est appli- qué qu'à l'émission de certains sons, véritables casse-cou, et a négligé l'ensemble général d'un rôle pour ne s'occuper que de quelques détails. Aussi plus d'expression, plus de charmes dans le chant. On ne vise qu'à la force et à l'am- pleur. A ce jeu, les uns perdent leur talent, les autres la vie. Duprez et Delahaye en sont déjà de tristes exemples. Nous devons à Ponchard et à Poullier, pour la suavité de leur chant, les plus agréables soirées que nous ayons pas- sées au théâtre depuis longtemps. Les vieux lauriers du pro- fesseur du Conservatoire ont dû reverdir sous la pluie de bouquels qu'il a reçus à ses trois concerts. L'élève est appelé à recueillir l'héritage du maître, s'il ne se laisse pas égarer par de faux conseils et ne force pas sa voix dans des parti- tions auxquelles elle ne pourrait suffire. M. Godinho, nous pouvons le lui dire à présent qu'il est des nôtres, nous semble être entré dans cette voie déplorable de cris et d'elïbrls. Qu'il y prenne garde, il y laisserait bien vile tout ce que son chant a de charme. Qu'il vise donc, au contraire, à le poser, à l'égaliser, à lui donner l'ampleur et la distinction, et à mettre la chaleur plutôt dans l'expres- sion vocale que dans un jeu exagéré. Nous devons à l'administration de nos théâtres le plaisir d'avoir connu une des réputations chorégraphiques les plus européennes. Taglioni s'est révélée à nous dans ses meilleurs rôles, et jamais la grâce et la pudeur n'ont eu à leur service de plus heureux interprètes. Taglioni a fait dans la danse toute une révolution en y introduisant, au lieu de l'élément païen, ta lasciveté, l'élément chrétien, la chasteté, si je puis m'exprimer ainsi. C'est Phidias refait par Raphaël. Notre public, comme cela arrive toujours devant le beau et le sim- ple, n'a pas compris tout d'abord; il lui a fallu quelques instants pour dépouiller le vieil homme et entrer dans ce nouveau monde où Taglioni l'introduisait. Mais aussi, une fois revenu de son premier élonnement, il n'a plus eu que de l'enthousiasme pour cette femme qui venait de briser du pied nos anciennes idoles. La Sylphide avait détrôné la vo- lupté, car la Sylphide c'est l'ame, c'est le spiritualisme in- carné, llien n'a manqué au succès de Taglioni, ni la foule, ni les bravos, ni les fleurs, ni les couronnes, ni les vers. Lyon s'est conduit comme Paris. Voici quelques strophes tombées