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HISTOIRE DE LÉON X. 159 l'effet, au tableau. Il préfère la couleur à la nuance, et à la demi teinte le grand jour qui éclaire tous les côtés du sujet. Si donc il choisit un héros, que ce héros s'appelle Luther, Erasme, Savo- narole (1) ou Raphaël, il épuise en une seule fois le filon biogra- phique pour ne plus y revenir. Dans l'œuvre de M. Audin, chaque chose est à sa place : la peinture ne se montre pas sur le même rang que la linguistique, ni le livre du Prince que les Propos de table du moine d'Eisleben ; linguistique, peinture, théologie, po- litique, statuaire, architecture et poésie, tout cela est rangé, éti- quette et coquettement offert au lecteur, à qui semblables façons ne peuvent manquer de plaire, lui qui a le souffle tout juste assez fort aujourd'hui, pour parcourir six colonnes de cette littérature marchande qu'on appelle les Romans-Feuilletons. Ce n'est point ici le lieu de nous étendre davantage sur 1!'Histoire de Léon X, ni d'aborder les profondeurs de l'analyse et les réserves de la critique : nous avons tout simplement voulu saluer le nou- veau livre de l'auteur des monographies si remarquables de Luther et de Calvin, et enregistrer une œuvre de plus dans les archives de l'histoire grave, consciencieuse et intelligente. A. D. (i) En lisant dans M. Audin la vie de Savonarole, de ce moine qui mourut sur un bûcher après avoir gouverné Florence avec un crucifix pour sceptre ; en voyant cet homme qui avait l'œil si beau, le regard si doux, la parole si séduisante, si pleine d'onction et de grâce, on se prend à penser à cet autre frère de Saint-Dominique, au P. Lacordaire ; car, des deux côtés, c'est le même portrait, ce sont les mêmes allures, c'est la même éloquence merveilleuse et entraînante. Au moment de choisir entre la robe blanche ou le capuchon de laine brune, entre les fils de St-Bruno, de St-François ou de St-Doininique, un souvenir du moine de St-Marc n'aura-t-il pas illuminé la pensée du Dominicain de France ?