Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                       CHARLES NODIER.                         67

d'une physionomie bien accusée. Ce n'est donc ni dans l'ac-
tion, ni dans la peinture des héros qu'il faut chercher la
valeur de ces premiers ouvrages ; mais le mérite littéraire,
vainement dédaigné aujourd'hui par des gens qu'on ne saurait
lire sans comprendre qu'ils sont trop intéressés à la question
pour en être juges, le mérite littéraire, l'ornement du style,
parfois plus précieux que la matière, a embelli ces pages
de charmes incontestables. Cependant, l'auteur de Trilby
n'en est pas encore arrivé à cette facilité pleine d'art, à
cette science de la phrase, à ce maniement de la période
dont il donnera plus tard de merveilleux exemples, dans le
récit surtout où il deviendra si supérieur; c'est encore un
style qui se cherche, mais déjà on y trouve des pages où
celle plume, préludant à son talent de peindre les détails
des objets extérieurs et à analyser la sensation, révèle sa
force en décrivant quelques scènes de la nature. Ainsi, dans
le Peintre de Salzbourg, on lit un admirable morceau sur
l'hiver, et, quelques pages avant, ces lignes non moins belles :
«       La lune enfin s'ouvre-t-elle un passage dans les es-
paces du ciel : soit que sa lumière tendre et craintive comme
les regards d'une vierge, repose endormie sur les plaines ;
soit qu'elle tremble sous les ombrages transparents; soit
qu'elle se déroule en gerbes ou se baisse en réseau d'ar-
gent sur les vagues agitées, c'est alors qu'on croit trouver à
tous les objets des charmes inexplicables et des douceurs
infinies ; c'est alors que tous les bois ont des bruits religieux,
des pompes et des secrets. Tous les aspects du ciel et de la
terre prennent je ne sais quoi d'idéal.... etc. » Ne croi-
rait-on pas entendre le prélude plein de douceur des vers
fameux de Lamartine:

   Astru aux rayons muets, que ta splendeur est douce
   Quand tu cours sur les monts, quand (u dors sur la mousse!etc.