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68                  CRITIQUE LITTÉRAIRE.

    Après ces qualités de forme il serait injuste de ne pas si-
 gnaler quelques scènes heureuses : dans Jean Sbogar, la ter-
 reur d'Antonia apercevant la figure du brigand reflétée dans
 une glace ; dans Adèle, la première rencontre d'Adèle et du
vicomte de Germancé ; dans Thérèse Aubert, le baiser sur
 une feuille de rose, idée un peu trop ingénieusement dé-
licate peut-être, mais qu'on trouve avec bonheur au milieu
des invraisemblances et des situations impossibles de celte
nouvelle.
    Mais il est temps de passer à une autre période dans la vie
littéraire de Nodier. Hâtons-nous d'arriver à cette époque où
délaissant les nouvelles aux dénoûments sombres, il s'aban-
donna tout-à-fait aux inspirations capricieuses de la plus
aimable imagination. C'est vers 1820 qu'il entra dans cette
heureuse voie, c'est à partir de cette date qu'il publia Smarra,
Trilby, Inès de las Sierras, la Fée aux miettes, le Songe d'or.
Mais, singulière destinée ! dans tous ces travaux de genres si
divers, où il semblait n'attacher son nom que pour faire
preuve d'une capacité égale en toutes choses, il se laissa
toujours précéder ou dépasser : c'était alors l'époque où Hoff-
mann commençait à se faire lire et admirer en France. Ce n'est
pas à dire qu'Inès, la Fée aux miettes, ces charmantes fantai-
sies (principalement la dernière ) remarquables surtout par des
détails enchanteurs dont l'emprunt ne pouvait être fait à per-
sonne, soient de véritables imitations de certains contes d'Hoff-
mann, mais la renaissance du fantastique, la complaisance
infinie pour les rêves les plus capricieux de l'imagination,
caractère de ces œuvres vaporeuses, c'est encore à ses devan-
ciers que Nodier doit de s'en être souvenu. Cela n'empêchera
pas qu'on ne lise, avec le sourire d'un plaisir doux et continu
sur les lèvres, ces jolies compositions où la phrase, tantôt
douce, caressante, insaisissable comme Trilby, tantôt soignée,
légère et capricieuse comme la Fée aux miettes, semble faire