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OÃ>SS ET POÈMES. 375 générale des destinées humaines, pour nous servir d'une ex- pression de l'illustre philosophe lyonnais, M. Ballanche. M. de Laprade le sait; un des caractères de la plupart de ses poèmes est, en effet, de n'être individuel par aucun côté. Son héros ordinaire n'est pas l'ame humaine isolément prise , c'est le genre humain, témoin Psyché, Eleusis, les Corybantes, les Argonautes, et par là encore sa poésie a une physionomie particulière entre toutes ; par là - il prouve qu'il y a en lui les qualilés du maître qui fonde. Quand il prend le masque grec ce n'est pas pour monter sur la scène d'Athène et ne parler qu'aux Hellènes, c'est pour parler du monde, de l'humanité, et, der- rière ce masque, il semble plus à son aise, et sa voix plus libre est plus forte. Il y a toujours chez lui une manière de considérer les choses sons leur aspect le plus général, c'est toujours l'intérêt universel et éternel qui est le point de départ de son inspiration. Et pourrait-il en être autrement aujourd'hui? de toute part on répète ce mot humanité, il est dans la bouche des ignorants comme des savants, des écoles slationnaires comme des écoles progressives, et il n'aurait point d'écho dans l'ame des poètes, et la critique n'aurait que des railleries pour celui qui trouverait insuffisante la corde des passions individuelles? Nous le disons avec franchise, dût-on nous ranger dédaigneu- sement parmi les adeptes de la poésie appelée humanitaire, si la notion de l'humanité qui est aujourd'hui acceptée, si non comprise par tous les esprits, n'est pas une chimère; si, comme nous le croyons, le genre humain est un être collectif, un et divers, successif et identique, s'il y a une vie universelle et permanente qui agite ce grand corps dont, selon saint Paul, nous sommes tous les membres, un ordre nouveau de sentiment est révélé, novus jam nascitur ordo ; le poète est tenu, sous peine de n'être qu'une cymbale re- tentissante, de posséder ce sentiment jusqu'au fond de ses