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376 ODES ET POÈMES. entrailles, il faut qu'il sente comme l'Hébal de M. Ballanche, tressaillir en lui toutes les sympathies de l'identité. Oui, aujourd'hui, à côté de l'individu se pose l'humanité ; ils ne s'excluent pas, car ils ne sont-qu'un. L'individu ne sera pas sacrifié, mais agrandi. La poésie personnelle, au lieu de se retrancher du monde, de ramener tout à elle, de se com- plaire dans son égoïsme , devra donc se dilater, et vivre d'une vie plus générale. Mais, ô forêts! ô brise! ô fleurs! à votre tour Recevez, recevez mon souffle et mon amour ; De ma bouche reçois les rumeurs embaumées En verbe intelligent dans mon sein transformées, O nature ! et mêlés dans le Père commun Que chacun vive en tous, comme tous en chacun! Singulier poète humanitaire que M. de Laprade et qui jus- tifie bien le litre de socialiste qu'une critique malveillante a voulu lui appliquer ? Non seulement il n'y a pas dans le volume qui nous occupe trace de socialisme, si l'on entend par là une théorie quelconque sur l'état actuel ou futur de la société, mais les mots humanité, société, liberté, ne sont pas même prononcés une seule fois dans les quatre ou cinq mille vers que renferment les Odes et Poèmes. Or, pour un poète humanitaire, c'est tout au moins une grande preuve de goût que de n'avoir pas agité de pareils grelots ; mais c'est le propre du vrai poète de se passer des mots sans lesquels un esprit ordinaire n'aurait pu rendre sa pensée, et de dire la môme chose mieux que lui. Béranger n'a pas eu les mê- mes scrupules à l'endroit de l'humanité, lui, le poète mo- dèle du détail, du contenu, comme on dit aujourd'hui. Il a mis l'humanité en chansons, et a donné à ce sujet sa théorie en quatre couplets ; Humanité, règne, voici ton âge !