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ODES ET POÈMES. 373 L'apparition du poème de Psyché a eu pour premier résul- tat de prouver que l'ère de la poésie qui se borne à racon- ter ses angoisses était définitivement close ; Psyché, à la recherche d'Eros, allant conquérir l'immortel amant en qui réside toute beauté, dans le séjour de la vraie lumière, au sein même de Dieu, est non seulement le symbole de l'hu- manité, mais aussi de la muse moderne qui ne doit se lais- ser dépasser ni par la philosophie, ni par la politique, mais bien plutôt marcher en avant de son siècle. Ce n'est pas sans une surprise mêlée de charme qu'en parcourant le livre de M. de Laprade, le lecteur rencontre comme une doctrine générale qui sert de support à l'ima- gination ; presque tous nos poètes ont à peu près le plus sou- vent renoncé à penser dans leurs vers. Ils se contenlenl de répandre, quand ils le peuvent, le sentiment, comme une goutte d'essence dans le cristal d'une métaphore ; les plus sé- rieux se penchent curieusement sur le cœur humain pour en surprendre les plus fugitives sensations ; mais ce n'est ni la grandeur des vues, ni l'élévation des idées qui peut accom- pagner un semblable travail. La poésie réduite à arranger des couleurs et à peindre des nuances sera bientôt un ana- chronisme; si l'idéal des écrivains était, il y a quelques an- nées encore, de reproduire l'état maladif de la société, les esprits étant aujourd'hui, sinon croyants, du moins tournés vers le pôle d'une vérité pressentie, l'idéal littéraire doit être de refléter cet état nouveau. L'aurore du dogmatisme commence à luire dans la poésie ; Psyché, Hermia sont les mélodieux Memnon qui ont été touchés par ses premiers rayons. C'est ici le lieu d'expliquer brièvement comment nous en- tendons le dogmatisme des poètes. On se tromperait fort si l'on s'imaginait que nous exigons d'eux une synthèse assez compréhensive pour renfermer la solution de toutes les ques-