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DANS LE DRAME. 59 la révolution de 1830 n'a pas été tout ce qu'elle devait être, que la littérature n'a pas tenu toutes ses gigantesques pro- messes, mais voilà bien la preuve qu'elles se tenaient étroi- tement, puisque l'une n'a pu déchoir sans l'autre. Mais, dit M. Girardin, la société agit tout autrement que les per- sonnages dont nos livres sont pleins; elle rit du mariage et se marie. Si quelqu'un trouvait l'argument banal, je n'en prends pas la responsabilité, mais enfin que vaut-il en lui- même? Autant que celui-ci: la comédie de Molière ne re- présentait point la société du XVIIe siècle, car on se ma- riait malgré ses pièces. La morale n'est guère plus violée qu'autrefois dans le monde, et notre littérature est pleine d'immoralité. Mais où donc toute cette immoralité? Est-ce parce que tel auteur soutient que le génie affamé est une tache pour la société qui ne lui tend pas la main, ou parce que tel autre s'élève contre la spéculation dans le mariage ? M. Girardîn assure que cette littérature-là ne représente pas notre société? Tant pis vraiment, s'il disait vrai. Mais nous croyons qu'il s'est trompé. Eh oui ! il y a encore des auteurs qui vivent de scandale, comme ces abbés journalistes du XYIIF siècle, si maltraités par Voltaire. Mais laissons cela et voyons plus haut : les œuvres qui dureront méritent-elles ce reproche d'immoralité ? Non, si ce mol signifie autre chose que de plaider la cause de ce qui devrait être contre ce qui est. Mais comment donc cette littérature a-t-elle fait pour vivre? Comment a-t-elle 'excité tant d'enthousiasme? Quoi ! elle avait des instincts tout différents du monde qu'elle agitait? Elle ne trouvait d'écho nulle part? Si fait, dit M. Girardin, dans l'imagination, les caprices, les fantaisies de cette so- ciété. Nons l'avouons, nous n'avons pas compris cette dis- tinction: une littérature caduque détruit la vérité dans les sentiments, la moralité dans les actions, et tout un peuple