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il de l'ouvrier qui se priverait du plus vif et du plus jour-
nalier de ses plaisirs, pour se réserver,à une époque indéter-
minée, des plaisirs incertains dont il n'a pas d'idée?M. Char-
les Dupin devrait bien, lui, prêcher d'exemple, et se priver
de quelques-unes de ses nombreuses places, rétribuées et
non remplies, afin d'en alléger notre budget, déjà si lourd.
    Tous ces pronostics exagérés, tous ces arguments qui
frappent à faux, ne prévaudront donc point contre la pipe.
Mme de Sévigné, qui valait bien MM. Charles Dupin et
Peter Columbell, n'a pu détrôner ni le café ni Racine,
Que si M. le docteur Montain a prétendu attaquer seulement
l'abus, nous le prierons d'observer que les meilleures choses
ont le leur, ce qui en atténue fort peu l'excellence; on ne
proscrit pas le vin parce qu'il existe des ivrognes (S) !
   Cet essai n'est déjà que trop long, sans doute, pour la pa-
tience de mes lecteurs. Je n'ai fait pourtant qu'ébaucher mes
arguments, et j'aurais encore bien des choses à dire sur la
puissance morale et physique du tabac , sur son avenir en
France, et sur la manière d'arriver à lui donner dans les
rangs élevés de la société l'importance qu'il mérite. Mais je
reprendrai un jour, si Dieu le veut, cette grave et belle ques-
tion pour la traiter avec plus de suite et de détails. Pour

   (S) Oui, j'ai attaqué l'abus et non l'usago, mais, malheureuse-
ment, le premier est presque toujours une conséquence du second.
La comparaison que vous faites avec le vin est juste; mais, malheu-
reusement, il est plus facile de s'enivrer avec le tabac qu'avec le
vin. L'ivresse de ce dernier est sociale, elle entraine le désir de la
société; on boit bien rarement seul. L'ivresse du vin est babillardo,
elle amène les doux épanchements de l'amitié. Celle du tabac est
taciturne; elle est sombre et entourée de nuages. On fume à l'écart
et l'on boit en compagnie. Enfin, usez du tabac, usez du bon vin,
n'abusez ni de l'un ni de l'autre, et nous serons d'accord.
                                                     G. M,