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462 souvent assez précieux ; il en ordonne l'emploi, en fumiga- tions, pour les phthisiques-lymphatiques; en poudre, pour les cerveaux qui demandent des sternutatoires ; mais il ne peut supporter l'idée que l'on trouve quelque charme à respirer une odeur acre et stupéfiante, ou à se remplir les fosses nasa- les d'unepoudre irritante. Ce sont là ses propres paroles. Je lui abandonne volontiers les partisans du fin et du râpé ; leur sort ne me touche que médiocrement, et, d'ailleurs, malgré sa grosse voix, M. le docteur n'est pas bien méchant. Quant aux fumeurs, c'est autre chose. Ayant fait partie moi-même de ce corps respectable, je ne puis permettre qu'on maltraite devant moi mes anciens confrères, et je touche à l'écu de M. le docteur. « Après la découverte du Nouveau-Monde, dit-il, le tabac, jusqu'alors inconnu ou dédaigné, vint tout à coup occuper une grande place dans les habitudes humaines, etc. » Je trouve tout naturel que le tabac fût inconnu des Européens avant cette époque, puisqu'ils n'avaient pas encore traversé l'Atlantique; mais qu'il fût dédaigné, c'est ce queje ne com- prends guère. Dédaigné, et par qui? par l'ancien monde ? mais pouvait-il repousser ce qu'il ne connaissait pas? Si vous voulez dire qu'il fut dédaigné par les indigènes de l'Amérique, oh ! ici je vous arrête. Le tabac régnait aux Indes-Occidenta- les avant que nous y missions les pieds, et nous n'avons rien changé à ses destinées locales. « Son usage, dit M. deHum- boldt (1) , était répandu dans la majeure partie de l'Améri- que, tandis que la pomme-de-terre était inconnue avant la conquête. — Les anciens Mexicains employaient le tabac à feuilles pétiolées, qu'ils appelaientyetl [nicotiana rustica)[2). Les Caraïbes fumaient alors le pétun dans des roseaux appe~ (1) Humboldtj Voyage aux régions équinoxiales. Î5i, ^§. (2) Ibid.