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405 fier d'avoir entendu les premiers accents du jeune Poquelin, d'avoir applaudi à ses brillants débuts. Nous savons qu'en Î653, âgé alors de 31 ans, il vint dans notre cité avec une caravane comique, formée en quelque sorte par lui, vivant et agissant sous ses ordres. II était donc déjà souverain, cet homme qui devait monter en maître absolu sur la scène fran- çaise .' il allait étudier la province, faire la province de ses ri- dicules à elle, en attendant qu'il s'emparât de la capitale, et qu'il eût son vaste théâtre, son public si nombreux et si bien choisi ! A l'époque dont j'ai parlé, Molière nous donna donc sa comédie de l'Etourdi, représentée ici pour la première fois. La pièce et les comédiens obtinrent un succès complet; les Lyonnais oublièrent bientôt un autre théâtre que leur ville possédait depuis quelque temps, et dont les priheipaux acteurs prirent le parti de passer au nouveau. Parmi eux se trouvaient de Brie, Ragueneau, Gros René et mesdemoiselles du Parc et de Brie, tous noms associés désormais au grand nom de Molière. Si l'on en croit une ancienne tradition de Lyon, Molière, pendant le séjour qu'il y fit avec sa troupe en 1653, passant un jour dans la rue Saint-Dominique de cette ville, aperçut, sur le seuil d e l à boutique d'un apothicaire, un homme dont la figure pharmaceutique le frappa. « — M o n s i e u r , monsieur 5 comment vous nommez-vous ? lui dit-il en l'abordant.—Pour- quoi?— Mais.... » Molière insiste. « — E h ! bien, je m'appelle Fleurant! — A h ! je le pressentais que votre nom ferait lion, neur à l'apothicaire de ma comédie; on parlera longtemps de vous, M. Fleurant ! » Suivant cette croyance des Lyonnais, ce serait celte plaisan- terie qui lui aurait fourni ce nom (1). Cette anecdote, recueillie par les historiens du département du Rhône, a été racontée par le petit-fils de ce M. Fleurant, à un de nos plus savants bibliographes, qui nous l'a transmise. Mais nous sommes por- (2) Lyon tel qu'il était et tel qu'il est, par A. G*** (M, l'abbé Aimé Guiltaii), Paris, 1794, pag. 55.