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3i(j se courbe sous un joug inflexible. Madame Dorval est l'expression la plus sympathique et la plus attrayante de tous ces types de femmes plus grandes par le sentiment que par la volonté , souvent même faibles et coupables; mais toujours à plaindre/parce qu'elles sont prêtes au repentir, toujours digne d'un mélancolique intérêt qui ne se refuse pas. Mieux que personne elle nous a, tour à tour, révélé ce qu'il y a de furieux emportement chez quelques-unes de ces malheureuses créatures, et ce qui reste de douce et triste résignation chez les autres. Depuis l'amour adultère et débordé qui porte la désolation sous le toit conjugal, jusqu'à la passion dédaignée et jalouse qui rappelle en vain un cœur infidèle ; depuis les aspirations de la courtisane qui se retrempe dans un amour sincère, jusqu'à la femme simple et chaste qui meurt plutôt que de ternir sa pureté; depuis l'énergique et fier sentiment qui brave toutes les convenances sociales en vue de son idole, jusqu'au senti- ment plus timide qui leur obéit avec humilité en se sacri- fiant; depuis la femme qui se livre avec entraînement, jusqu'à celle qui lutte jusqu'au bout avec un noble cou- rage; madame Dorval a tout compris, tout rendu avec une profondeur et une variété dont son talent seul est capable. Elle a su exprimer tous les aspects divers, toutes les plus fines nuances de la passion et de la faiblesse humaines. Successivement nous l'avons vue représenter et marquer de son empreinte personnelle les plus poétiques créations de l'école dramatique moderne : Dona Sol, Marion de Lorme, la duchesse de Guise , Adèle dTIervey, Clotilde, Catarina, Kitty-Bell. Dernièrement encore, madame Dor- val a très habilement interprété cette noble et touchante Cosima de George Sand, laquelle , en dépit de certaines assertions, est non-seulement une des figui'es les plus poé- tiques et les plus finement étudiées ; mais, en outre_, plus morale à coup sûr que presque toutes les créations drama- tiques de notre temps. Et sous tant de traits, sous tant de masques divers, madame Dorval nous a constamment charmés et émus; il n'est pas jusqu'aux personnages les moins vrais, les moins naturels, les moins consolants, pour qui elle n'ait su exciter nos sympathies, tant elle leur a prêté de passion, de larmes, de plaintes amères, de cris éloquents.