Revue du Lyonnais » série 1 - n°12 ( 1840 ) » pp.305

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marche, la fierté de son attitude , que sa frêle structure
rend plus saillante encore , l'éclair profond de son i-egard,
tout, jusqu'à son organe même, un peu voilé et sourd,
qui d'ailleurs ne nuit en rien à la netteté et à l'énergie de
l'accentuation.
    Grâce à mademoiselle Rachel, nous avons vu reparaître,
toutes rajeunies à nos yeux, ces poétiques créations long-
temps disparues ou effacées : l'ardente Hermione, la fière
Camille, l'implacable Emilie, la touchante Monime, la
superbe Roxane, et dernièrement encore la chaste et ré-
signée Pauline, sans parler de quelques autres aussi,
Esther, Iphigénie, Aménaïde, dans lesquelles se person-
nifient tant d'héroïques sentiments ou de chastes passions.
Mademoiselle Rachel est venue tout à propos pour re-
mettre en honneur cette brillante pléiade de types fémi-
nins d'après l'antique, dont le fécond génie de Racine et
de Corneille a su varier les traits par des teintes heureuse-
ment mélangées d'énergie et de tendresse. A. l'aide de
l'empreinte fraîchement ravivée qui nous les a rendues,
nous avons mieux saisi le vrai jour et le légitime éclat de
ces belles figures que, de temps à autre,nous nous prenions
à contempler dans la solitude, mais dont la lecture la plus
attentive ne nous pouvait fournir que l'imparfaite esquisse,
que la silhouette inanimée. Dès-lors nous nous sommes
attachés, avec une vivacité d'intérêt et d'admiration qui
naguère eût semblé impossible, à des mœurs et à des
 passions si différentes des nôtres, à des existences et à des
 destinées si étrangères à notre vie sociale autant que do-
 mestique. Surpris un peu, mais invinciblement charmés,
 nous avons partagé la jalousie d'Hermione contre Ândro-
 maque, maudit Rome avec Camille; Emilie nous a su
 associer à sa vengeance, plus forte que son amour pour
 Cinna ; nous nous sommes ému de Monime regrettant la
 Grèce et son Ephèse chérie, ou reprochant sa perfidie à
 Mithridate ; Roxane nous a inspiré tous ses ressentiments
 contre Bajazet; et Pauline enfin nous a mis de moitié
 dans la lutte victorieuse des devoirs de l'épouse contre les
 souvenirs toujours chers de l'amante. Pour tout dire, en
 un mot, notre joie a été grande de retrouver, pour nos
  lèvres altérées, une source d'émotions qui paraissait en-
 fouie à jamais sous tant de ruines entassées pêle-mêle.
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