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                                 SOI
 sous les Ilots de la pensée musicale; c'était le recueillement
 du cénobite échappant à la vie extérieure par l'abstraction
 spirituelle, la concentration de toutes les forces du fidèle dans
 l'adoration religieuse.
    Aussi, une fois qu'il en sut assez pour expliquer aux au-
 tres la parole divine, il s'y consacra avec le dévouement d'un
 serviteur. Aucune préoccupation personnelle, ni le soin de
 sa fortune, ni le souci de sa vanité, ni les fumées de f ambi-
 tion ou de l'orgueil, ne le firent dévier de sa voie.
    On ne le vit pas courir le cachet avec une infatigable avi-
 dité, supputer la valeur de ses heures, comme un banquier
la valeur de son or, et pourtant aucun autre professeur ne
 compta un aussi grand nombre d'élèves. C'est qu'il les pre-
 nait comme qu'ils fussent. Pourvu qu'il aperçût en eux du
 zèle, l'amour ou le goût de la musique, il se mettait à l'œu-
vre et ne se rebutait par aucune aspérité.—îl dégrossissait
 ceux qui n'avaient rien appris, enseignant les faibles, exerçant
les forts, et toujours avec le plus rare désintéressement. Puis,
à peine eut-il formé une petite armée, armée pleine d'ar-
deur, mais composée de recrues inexpérimentées, il se mit
bravement en campagne; souvent les bataillons étaient en-
foncés, l'orchestre faisait entendre un sauve qui peut géné-
ral, mais Guérin (impavidum ferlent ruinœ), impassible au
milieu de la déroute, ralliait les fuyards et les ramenait au
feu.
    Ses premières réunions musicales eurent lieu dans une pe-
tite salle de la Boucherie-des-Terreaux. On y exécutait sur-
 tout les ouvertures du théâtre Feydeau. L'ouverture de la
Caravane fut une grande occasion de succès; la vigueur de
l'orchestre devint môme, à ce qu'il paraît, fort incommode
pour les voisins, qui, véritables Midas. osèrent se plaindre à
la mairie, et mirent Guérin dans la nécessité de porter ailleurs
ses dieux et sa grosse caisse.
    II émigra dans la rue Puits-Gaillot. Là, sa renommée
s'étendit rapidement ; le nombre de ses adeptes augmenta
de jour en jour. L'exécution était toujours fort médiocre;
néanmoins les oreilles se façonnaient à la musique d'ensem-
ble, l'esprit de discipline s'introduisait dans les rangs.
    Enfin, à force de persévérance, de dévouement, après des
 années mêlées de traverses, ne se laissant rebuter ni par les
 déceptions, ni par la fatigue, ni par les sottises des vanités
 en jeu, Guérin parvint à organiser les concerts de la Loterie,